Il n'existait pas d'école de journalisme, encore moins de faculté des communications, quand j'ai voulu, après mes études classiques, pratiquer le journalisme. Je me suis inscrit en lettres-histoire, à l'Université de Montréal, en attendant de me trouver un espace dans un média. Ça s'est présenté au Devoir, le journal ayant été saigné par des départs occasionnés par l'accès au pouvoir des troupes de Jean Lesage et la création du Nouveau Journal.

Mon école de journalisme aura eu un nom: Michel Roy. Il était simultanément directeur de l'information, chef des affectations et chef de pupitre. Ça pèse lourd sur une personne et ce n'est peut-être pas sans rapports avec le type de maladie qui vient de l'emporter.

Quoi qu'il en soit, je retiens de ce passage l'extraordinaire attention qu'il apportait, malgré le poids de ses charges, à la formation des quelques jeunes journalistes que nous étions au Devoir. Cette attention concernait le soin de la langue, la démarche journalistique par rapport aux événements (nous étions tous, les jeunes, généralistes) et la présentation de l'événement dans sa phase finale, la qualité de la publication.

Je le vois encore, vers 21h, lancer un appel : «On fait un concours de titre pour la manchette; j'y arrive pas!» Une sorte d'humilité professionnelle qui était une sorte de marque de commerce de ce journal. C'était l'époque où un André Laurendeau, éditorialiste éminent de l'époque, venait, non sans une certaine timidité, rencontrer dans la salle de rédaction un journaliste de 22 ans pour savoir avec le plus de précision possible ce qui s'était vraiment passé en termes de contenu et d'atmosphère à un meeting politique couvert par le jeune journaliste.

Michel Roy participait de cette atmosphère. Je lui en suis profondément reconnaissant.