Dommage que Michaël Ignatieff ne fasse pas front commun avec Gilles Duceppe pour interdire le kirpan à la Chambre des communes. S'il a en tête la Cour suprême qui, en 2006, a annulé son interdiction dans une école, n'est-ce pas le rôle du leader politique de mettre à jour les lois? Un jour, et les cours et les législateurs devront se pencher, non sur le droit des religions bien acquis, mais sur le bien-fondé de certaines de leurs pratiques. Exemple, le kirpan. Nul ne conteste le droit des sikhs de porter un symbole leur rappelant le devoir de prévenir la violence envers les êtres sans défense. S'il y a 300 ans, lorsque le gourou Gobind Singh a prescrit le kirpan pour ce faire, c'est que les agresseurs d'alors étaient armés de couteaux et d'épées. Aujourd'hui, ce rôle de protection est confié à la police. L'agression n'est plus celle d'une pointe d'arme, du moins très rarement, mais celle constante du déni d'emploi, de l'inégalité homme-femme, du rejet de l'immigré, de l'homophobie, de l'insuffisance de soins aux handicapés, aux malades. L'attaquant n'est pas tant le porteur d'arme que le législateur bondieusard, l'investisseur hystérique, le proxénète, le pilleur mondialiste, le preacher fondamentaliste. Telles sont les agresseurs contre lesquels tout sikh, toute religion, tout citoyen devraient s'armer. Les nouvelles armes-symboles ne seraient plus un poignard ou une épée, mais un ovale pour le pain, un triangle pour le toit, un trapèze pour la coiffe d'infirmière et un crochet pour l'élection de leaders capables de pourvoir à toutes ces nécessités habilitant les démunis à se défendre eux-mêmes. Si l'État moderne reconnaît le droit de religion, celle-ci a l'obligation d'actualiser ses symboles sans les vider de leur sens et force, soit la spiritualité et la juste compassion. Si l'on chante dans notre «Ô Canada» ritualiste qu'il sait «porter l'épée», ça ne signifie pas qu'on doive la laisser entrer pour de vrai dans la Chambre des communes. Ainsi en est-il des symboles religieux.