La démission de Robert Lafrenière comme Commissaire de l'Unité permanente anticorruption, le jour des élections générales, n'est pas seulement inattendue. Elle jette le discrédit sur l'institution et celui qui l'a dirigée et développée depuis sept ans.

Sans autre explication, ce geste spectaculaire prend automatiquement un tour politique et laisse un goût amer en rétrospective.

Pourquoi partir? Pourquoi maintenant? Et pourquoi l'annoncer aujourd'hui?

Quand l'UPAC a arrêté Nathalie Normandeau le jour du Budget à l'Assemblée nationale, au printemps 2016, c'était un bête hasard de calendrier, disait le commissaire Robert Lafrenière.

On se demandait à l'époque si son mandat serait renouvelé. L'arrestation spectaculaire de l'ex-vice-première ministre du Québec pour fraude et corruption venait jeter de l'ombre sur le budget du gouvernement, moment politique fort de l'année. Elle mettait surtout une énorme pression sur le gouvernement libéral. Un non-renouvellement aurait l'air politique...

Mais M. Lafrenière a toujours nié la moindre manoeuvre stratégique de sa part : l'arrestation avait été planifiée de longue main et tant pis si ça tombait le jour du Budget. Il n'allait pas être soumis à l'agenda politique, et les opérations devaient suivre leur cours.

L'an dernier, il a déclaré à Patrice Roy à Radio-Canada qu'il n'y aurait pas d'arrestation pendant la campagne électorale. Il s'est ensuite ravisé, disant que si une enquête était complétée, les arrestations auraient lieu. À l'Assemblée nationale, il a admis avoir exagéré : si nécessaire, des arrestations auront lieu. Mais pas d'arrestation susceptible de «déséquilibrer» le débat démocratique.

Non pas que cette démission surprise puisse avoir un impact quelconque sur les élections d'aujourd'hui. Mais comment ne pas y voir une sorte de coup d'éclat, une recherche de visibilité, sinon une tentative de déstabilisation ou de protestation?

Enfin bref, cette fois-ci, le «timing» ne peut pas être insignifiant, le fruit du hasard ou le résultat d'une opération planifiée de longue main.

Il faut dire que la très étrange affaire Guy Ouellette est en train de mal tourner. Rappelons que l'UPAC a tout de même arrêté un député de l'Assemblée nationale, membre de la majorité libérale, sans jamais l'accuser jusqu'à maintenant.

Or, la semaine dernière, on apprenait que les mandats en vertu desquels on a saisi des documents du député (ex-policier et rival connu de M. Lafrenière) sont jugés nuls par les procureurs du ministère public. Du moins le DPCP ne conteste pas les allégations de M. Ouellette, qui voulait les faire annuler. Ce que ça veut dire, c'est que les documents saisis chez M. Ouellette ne peuvent pas être utilisés en preuve contre lui. Ce que ça veut dire de plus grave, c'est que, apparemment, la police anticorruption n'avait pas de motifs suffisants pour obtenir ces mandats, ou a exagéré dans ses allégations afin de les obtenir.

Bref, c'est un désaveu majeur que les avocats du DPCP ont fait subir à l'UPAC.

On n'a pas assez de détails en ce moment pour tout comprendre. Mais quand les procureurs affectés à la lutte à la corruption laissent tomber le fruit du travail des policiers de l'UPAC, c'est qu'il y a un sérieux problème, un bris de confiance dont on ne connaît pas l'ampleur.

Or ce dossier est particulièrement explosif. Le député Ouellette est soupçonné d'avoir participé à du coulage de documents provenant de policiers mécontents de l'UPAC - dont certains ont été mis au rancart. On sait qu'il se livre à des jeux étranges : François Legault nous a appris la semaine dernière qu'il coulait de l'information contre sa formation politique!

Mais y avait-il vraiment des motifs pour l'arrêter et menacer de le faire accuser au criminel?

Dix mois après l'arrestation de M. Ouellette, les mandats ne tiennent plus, il n'y a pas d'accusation et le patron de l'UPAC a démissionné.

Tout ça fragilise l'institution, jette le doute sur ses pratiques et fait apparaître plein de points d'interrogation sur la qualité des dossiers qui ne sont pas encore réglés.

Disons que pour un type qui prétendait se tenir loin de la politique, il a raté sa sortie et créé un peu plus de désordre.