Quand elle était avocate chez Stikeman Elliott, Suzanne Côté a eu «des démêlés avec le fisc», comme on dit.

Rien de criminel, rassurez-vous. Juste une sorte de petit révélateur de sa personnalité. Je dirais même: de tout un milieu.

Me Côté, nommée le mois dernier directement à la Cour suprême, a interprété de manière optimiste les règles sur les dépenses déductibles.

Ainsi, a rapporté hier Le Journal de Montréal, elle avait réclamé des déductions de 200 000$ en trois ans pour des vêtements et... des «soins personnels».

L'étonnant de l'affaire est que l'avocate-vedette n'ait rien réclamé au chapitre des frais d'entreposage. On n'a pas idée de l'espace nécessaire pour fourguer 50 000$ de nouveaux vêtements de fonction annuellement. Il faut bien un walk-in judiciaire, ou au moins un cabanon à toges, non?

Pour les mêmes trois années (2004 à 2006), elle a réclamé 25 000$ de déduction pour des «soins personnels».

Le fisc a refusé. L'affaire a été réglée en 2012, dans des termes qu'on ne connaît pas. Rien pour porter plainte au Conseil de la magistrature, sans doute.

Je m'inquiète cependant des conseils qu'elle a reçus. Est-ce un fiscaliste de chez Stikeman qui lui a fait croire qu'on pouvait déduire des vêtements autres qu'un uniforme? Hon... Aux honoraires pharaoniques qu'ils commandent, ça serait un peu comique. Même moi, je sais ça, gratis en plus...

Pour l'épilation des parties du corps visibles en cour, par contre, la jurisprudence n'est pas fixée, me dit-on. Un avocat à la pilosité excessive pourrait-il réclamer des traitements au laser? La question est ouverte. Qui sera le pionnier du droit qui nous éclairera enfin?

Tout de même fascinant de voir aller certains membres de cette petite caste d'avocats associés des «grands bureaux». Ils facturent 500$, 800$, 1000$ l'heure. Ils font 50 0000$, 800 000$, 1 million par année. Mais ils n'en ont jamais assez. Ils n'ont pas assez de faire rouler l'usine à surfacturation. Ils s'essaient dans des petites passes légales pour faire payer leurs vêtements griffés par la plèbe.

C'est chic, y a pas à dire.

Le maire lavallois de Laval

Le maire de Laval n'aura pas à démissionner et presque tout le monde pousse un soupir de soulagement. Pensez donc: si la Cour supérieure le déclarait inéligible, on aurait dû organiser des élections, sans lui, au moment où la ville sort la tête de l'eau corrompue des années Vaillancourt.

Ç'aurait été une petite catastrophe municipale. Sauf que juridiquement... J'ai de gros doutes sur cette conclusion.

La Loi sur les cités et villes nous dit que pour être élu dans une ville, il faut résider «de façon continue ou non sur le territoire de la municipalité depuis au moins 12 mois» le 1er septembre de l'année électorale.

M. Demers habitait Laval le 1er septembre 2013. Le hic, c'est qu'il n'était revenu vivre là qu'en janvier 2013.

Par contre, il y a passé la plus grande partie de sa vie adulte, en plus d'y travailler comme policier. Il avait habité Laval de 1999 à 2012, année où il a vendu sa maison. En attendant de trouver un logement à son goût, dit-il, il est allé s'établir à la campagne pendant quelques mois.

La question devant la juge Danielle Turcotte était donc de savoir s'il résidait «depuis au moins 12 mois» à compter du 1er septembre. Si on se fie à la lettre de la loi... la réponse est non: il n'est redevenu résidant qu'en janvier.

Sauf que la loi dit «de façon continue ou non». Si l'on compte ses années passées (de 1971 à 1983, puis de 1999 à 2012), il a résidé «de façon non continue» bien plus que 12 mois, raisonne la juge.

Le problème de cette interprétation, c'est qu'il vide la loi de son sens. Un homme ayant habité de 1981 à 2005 à Rouyn pourrait-il en devenir maire en revenant y habiter trois mois avant les élections? On dirait bien que oui, si l'on se fie à cette interprétation. Il n'y a plus de limite.

La loi fixe clairement une période de référence: 12 mois précédant le 1er septembre. C'est pendant cette période qu'il faut avoir résidé de façon continue ou non. Autrement dit, si l'on ne réside pas au 1er septembre de l'année précédant l'élection, on devrait être exclu...

Ça peut sembler tatillon. Ça l'est. Je trouverais franchement dommage que le maire Demers soit sorti de la mairie à ce moment critique.

Mais la loi est ainsi rédigée. On n'est pas censé l'interpréter pour obtenir le résultat le plus pratique ou le plus populaire.

Comme l'impression que l'affaire n'est pas terminée.