1. Duchesneau

1. Duchesneau

Le coup est envoyé à Duchesneau, mais c'est la Commission elle-même qui est visée. Jacques Duchesneau a en quelque sorte fourni la matrice de la commission Charbonneau avec son travail aux Transports et ses rapports. Il a été l'un des premiers témoins et a conseillé la Commission.

En attaquant l'ancien policier, Tony Accurso frappe donc au coeur de l'édifice.

Mais son affirmation est tout simplement ahurissante. Pourquoi Tony Accurso aurait-il accepté de donner 250 000 $ à un type qui venait de perdre son élection à la mairie de Montréal... et qui n'avait même pas de job?

En échange d'une promesse de vague gain futur, quand M. Duchesneau irait travailler dans le secteur privé, dans une hypothétique fonction? Bizarre.

Accurso a versé des centaines de milliers de dollars aux politiques à travers ses compagnies. Mais 250 000 $? D'un coup? À un politicien perdant? Ce serait sa plus grosse contribution à vie!

Très, très bizarre...

Presque aussi étonnant: la Commission n'a pas demandé au témoin de s'engager à produire une copie de ce chèque. La présidente s'est contentée de suggérer au témoin qu'il inventait cette histoire pour se venger de Duchesneau: les deux hommes ne s'aiment guère et Accurso est furieux que Duchesneau ait affirmé que «trois ministres» jamais identifiés ont séjourné sur son bateau - ce que nie vigoureusement Accurso et qui n'a jamais été prouvé. On sait aussi que les hommes de Duchesneau sont souvent allés visiter les chantiers du roi de la construction.

Ce peut être une vengeance... et néanmoins être vrai. Mais pour l'instant, ça paraît douteux. Ça vient d'un homme qui fait face à la justice dans trois dossiers criminels et qui fait l'objet d'une enquête, au fait.

Quoi qu'il en soit, la Commission a l'obligation d'enquêter là-dessus. Un chèque de 250 000 $ pour rembourser une hypothèque, ça laisse des traces!

2. Le provincial et le municipal

Depuis deux ans que les témoins défilent, on a amplement démontré que l'essentiel du financement politique est illégal: ce sont des compagnies qui donnent.

Mais si le lien direct entre le financement et l'obtention des contrats a été souvent et clairement établi dans des villes, il est beaucoup moins clair au niveau provincial.

De 1998 à 2011, les compagnies de Tony Accurso ont versé 557 000 $ au PLQ et 154 000 $ au PQ, en utilisant des ouvriers comme prête-noms. «Personne ne donne 3000 $ par conviction», a-t-il dit. On s'en doutait un peu, mais merci de le dire...

Donc, on donne pour obtenir des contrats, n'est-ce pas?

Non, a dit le témoin: on donne pour éviter de se faire bloquer. Donner ne garantit pas d'obtenir des contrats, mais ne pas donner au parti au pouvoir vous met à risque de ne jamais en avoir, selon sa théorie. C'est en tout cas ce que disent les collecteurs de fonds.

Accurso dit ne «jamais» avoir été «barré» (sauf en 2012 par Hydro-Québec). Mais d'après lui, «rien de plus facile» pour les politiciens municipaux que de bloquer un contrat, un projet, et donc un entrepreneur.

Et à Québec?

Il a beau avoir rencontré Jean Charest deux fois, quand il veut lui faire un message, il passe par Michel Arsenault, président de la FTQ. Il n'a pas non plus accès aux dirigeants du PQ et passe par Arsenault pour s'informer.

La preuve indique en ce moment que l'étage politique supérieur de l'Assemblée nationale ne lui est pas directement accessible. Ce qui ne l'empêche pas de suivre la règle d'or: financer les partis politiques, surtout le parti gouvernemental. «Pas besoin de faire des cocktails, un chèque, c'est assez.»

Ce qui nous ramène à cette constatation: la Commission n'a pas réussi jusqu'à maintenant à établir le lien entre les dons politiques aux partis provinciaux et l'octroi des contrats de Transports Québec. On comprend que tout le monde versait sa contribution pour être dans le club... mais on n'a pas identifié cet endroit où le dollar politique se transforme en contrat d'asphalte. S'il existe, la mécanique est assurément plus subtile que dans les villes corrompues.

3. Les amis et le «PR»

Tony Accurso dit que son bateau, c'est son «chalet» et qu'il n'y invite que des amis, ou des amis d'amis. Pas de business, pas de travail!

Pour un simple lieu de vacances, son Touch a «fait couler de l'encre» un peu trop à son goût (l'encre a aussi fait couler le Touch, mais passons). «On n'est pas capable d'inviter du monde sans que ça fasse une commission d'enquête!» a-t-il déploré amèrement dans un rare moment d'impatience.

Dans une conversation avec Michel Arsenault, pourtant, il se demande ce qu'il y a de mal à «faire du PR». Il compare ensuite sa liste d'invités à celle de la famille Desmarais: des premiers ministres, des ministres sont allés à Sagard. Il dit qu'il préférerait avoir ces contacts.

Alors, c'était juste, juste, juste pour les amis?

Le plaidoyer pour le droit à l'amitié est sympathique. Le seul problème, c'est que, comme par hasard, plusieurs de ses amis étaient des personnages-clés dans ses affaires. Tant au Fonds de solidarité que dans des syndicats impliqués dans ses chantiers que des politiciens municipaux - Frank Zampino étant l'exemple le plus spectaculaire.

Quand on ne fait affaire qu'avec ses amis, ça se peut que le «chalet» fasse partie du «modèle d'affaires».