Ce n'est pas un crime d'avoir fréquenté les Catania et toutes sortes de champions de la corruption montréalaise. Mais ça fait drôlement désordre, en 2013.

Ça fait un peu... Gérald Tremblay. Ça fait «je n'ai rien vu».

Non, ça fait bien pire que ça. Gérald Tremblay allait à des activités de financement où des gens louches sont allés par ailleurs. Il n'allait pas dans des fêtes où flottait une odeur de mafia et où l'on rencontrait ses compagnons de route. Il n'allait pas festoyer dans les familles d'entrepreneurs controversés.

Michel Bissonnet a beau être un ami de la famille Catania depuis 35 ans, le voir se tenir au milieu de la foule des corrompus au milieu des années 2000 est franchement désolant. Ah non, pas illégal. Juste un autre exemple de ces fréquentations douteuses qui ont été la signature de la politique municipale montréalaise depuis trop longtemps.

Y a justement une commission d'enquête là-dessus en ce moment...

Cette promiscuité rappelle les pires années de l'administration Tremblay, quand Frank Zampino manoeuvrait avec les mêmes Catania, Trépanier, Lalonde, Leclerc, etc.

Ça fait partie des phrases-clés de Denis Coderre: «Je refuse de vivre dans une société où l'on rend les gens coupables par association.»

On est tous d'accord.

Sauf que dans le cas de Michel Bissonnet, il ne s'agit pas de le déclarer coupable. Il s'agit de constater son erreur de jugement. À l'époque, ce genre de rencontres semblaient insignifiantes pour nombre de politiciens. L'UPAC n'existait pas, personne n'était encore accusé, les scandales n'étaient pas révélés.

Ça ne veut pas dire pour autant que tout était correct et insoupçonnable. Dans le milieu municipal, le jeu de financement d'Union Montréal était bien connu. Le surnom de Bernard Trépanier était déjà donné. Les rouages de la corruption, bien huilés.

Que Michel Bissonnet n'ait rien su de ça est parfaitement possible. La bonne foi se présume, n'est-ce pas?

Mais en 2013, a-t-on besoin de politiciens municipaux qui ont été assez naïfs pour fréquenter les champions de la corruption municipale, même à leur insu? Quelqu'un qui donnait une médaille au chef d'une entreprise maintenant bannie des travaux publics à Montréal?

Les politiciens qui n'ont pas encore compris comment le crime organisé s'infiltre dans l'économie légale et dans les administrations publiques sont priés de se retirer.

Ceux qui n'ont pas encore compris le jeu pas si subtil des influences indues, des hold-up de démocratie et de la corruption municipale n'ont pas d'affaire à l'hôtel de ville. On a donné dans le «j'étais pas au courant».

Les critères post-Charbonneau devraient être particulièrement élevés pour tous les anciens membres d'Union Montréal, le parti de Gérald Tremblay. Quand on sait comment ce parti a été financé, comment il s'est maintenu au pouvoir et comment il a fini, la prudence s'imposait au moment de les recruter.

Quitte à être trop sévère: le temps est au redressement moral et administratif, ça semble assez évident. Il ne suffit pas de ne pas faire l'objet d'une enquête policière pour passer le test, en 2013.

C'est ce que nous a dit et répété Denis Coderre, avec son «filtre» et sa tolérance zéro!

Denis Coderre a failli dans le cas de Michel Bissonnet. La raison en est fort simple. Le sympathique Bissonnet est à lui seul une puissance politique locale considérable.

Ça ne rime pas exactement avec renouveau. Ni avec ménage. Ça fait au contraire vieille, vieille, vieille politique.

Z'étiez pas censé être aussi tanné que nous autres, M. Coderre?

C'est raté.

yves.boisvert@lapresse.ca