Est-ce que lancer des bombes fumigènes dans le métro peut faire craindre un acte terroriste?

C'est ce que prétend la dénonciation criminelle déposée contre les quatre étudiants arrêtés la semaine dernière.

Voilà une rare utilisation des dispositions incorporées dans le Code criminel peu de temps après les attentats du 11 septembre 2001.

On ne les accuse pas d'avoir commis un acte terroriste. Mais d'avoir incité les gens à craindre qu'un acte terroriste était commis.

Quand on lit les commentaires du ministre de la Justice à l'époque, on comprend ce que visait ce nouveau crime: les fausses alertes au terrorisme.

«Ces nouvelles infractions sont censées combler une lacune du droit pénal, peut-on lire. Les véritables actes de terrorisme constituent déjà un crime au Canada. Dans le cas de certaines mauvaises plaisanteries, il est possible de porter des accusations en vertu des dispositions actuelles du Code criminel, dont celles se rapportant au méfait public, aux faux messages et au méfait concernant les biens. Toutefois, ces infractions ne concernent pas directement le problème des fausses plaisanteries, comme celles se rapportant au terrorisme, qui peuvent provoquer la panique, perturber des systèmes ou entraîner un gaspillage ou une mauvaise affectation de ressources essentielles à la sécurité ou autres, sur une grande échelle.»

On comprend qu'une fausse alerte terroriste peut en soi entraîner des conséquences graves. Ce n'est pas du même ordre qu'une fausse dénonciation criminelle «ordinaire»: pensons à la lourdeur d'une intervention policière en pareil contexte, à la possible évacuation, à toutes les procédures d'urgence, etc.

Mais est-ce bien de cela qu'il s'agit dans le cas des événements du métro de Montréal?

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Lancer des bombes fumigènes et interrompre la circulation du métro est assurément un «méfait». Ce crime recouvre la destruction ou la détérioration volontaire d'un bien autant que l'interruption d'un service.

Si la valeur du bien ou du service dépasse 5000$, la peine maximale est de 10 ans. On comprend donc qu'il s'agit d'un crime sérieux. Les quatre font d'ailleurs face à cette accusation.

Ont-ils, en plus, incité les gens à craindre un acte terroriste?

Peut-être des gens ont-ils effectivement craint un acte terroriste. Des gens ont eu peur, en tout cas. Mais le sentiment subjectif des usagers ne me semble pas suffisant.

Il faut avoir commis un acte susceptible de «faire raisonnablement craindre que des activités terroristes» se déroulent ou vont se dérouler.

Un acte terroriste, selon la définition des traités internationaux, et incorporée dans notre droit, n'est pas seulement un acte qui entraîne la peur.

C'est un acte créé pour une cause et qui entraîne la mort, des blessures ou «des dommages considérables à des biens» ou «une entrave sérieuse» à l'exploitation d'un bien.

Autrement dit, il y a une dimension supérieure de gravité quand on y associe la notion de terrorisme. Sans quoi, toute perturbation un peu conséquente de la vie sociale pourrait y être assimilée.

On notera que de faire craindre un acte terroriste est une des infractions les moins graves dans la panoplie créée en 2001. La peine maximale est de cinq ans.

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Fallait-il, donc, utiliser cette disposition contre les étudiants? Pas d'après moi.

D'abord parce que ce n'était pas nécessaire pour dénoncer le sérieux des actes: le crime de méfait est punissable par une peine plus lourde.

Ensuite parce que ce n'est pas un cas clair. Les auteurs de cet acte (que ce soient ces quatre accusés ou d'autres) voulaient perturber la circulation. Mais de là à dire qu'ils entendaient créer l'impression qu'un acte terroriste se déroulait?

Troisièmement, une fois le terme «terroriste» accroché à un dossier judiciaire, même si ce n'était qu'une fausse alerte, les conséquences à long terme risquent d'être catastrophiques pour les personnes concernées.

S'agissant de jeunes, sans antécédent judiciaire, et d'un cas très discutable, on peut s'interroger sur l'opportunité d'utiliser l'artillerie antiterroriste. Le procureur a toujours une discrétion compte tenu des circonstances. Mauvais choix quant à moi.

Le but de l'opération ici est clairement de lancer un message musclé à ceux qui seraient tentés de les imiter: il y a des conséquences graves à paralyser les transports en commun dans une grande ville au nom d'une cause.

Message qui devait être lancé, sous peine de banaliser le désordre.

Ce n'est pas une raison pour banaliser les dispositions antiterroristes.