Le nouveau processus de nomination des juges proposé hier par Québec n'est pas parfait, mais il est bon.

Il reprend l'esprit du rapport Bastarache et la lettre de plusieurs recommandations.

Un processus plus étanche aux infiltrations politiques, plus clair, plus transparent aussi.

On conserve un comité de sélection des candidats. Mais au lieu d'être composé de trois membres (un juge, un avocat et un membre du public nommé par le ministre), il sera composé de cinq membres.

Un juge nommé par le juge en chef; un avocat et un juriste qui ne plaide pas nommés par le Barreau; et deux membres du public nommés par l'Office des professions.

Le gouvernement n'a donc plus aucun contrôle sur ce comité. Le rapport Bastarache proposait un comité de 7 membres choisis à même une liste de 24, nommés pour 3 ans. Le milieu juridique trouvait cette formule nettement trop lourde (en Ontario, on siège pourtant à... 13!).

Comme le suggérait le rapport, on exige que ce comité tienne compte davantage de la parité hommes-femmes et de la représentation des minorités dans la magistrature. Un rapport annuel sera produit sur les nominations pour voir l'évolution de la situation.

Comme le recommandait le rapport, le comité proposera trois noms. La liste sera sans ordre de préférence, mais en donnant «son appréciation» pour chacun. S'il n'en retient pas trois, il doit s'en expliquer. En Ontario, c'est deux noms - ce que personnellement je trouve bien assez.

Le ministre de la Justice choisira le candidat parmi ces trois noms. Si «dans le meilleur intérêt de la justice» il estime ne pouvoir en nommer aucun, il demandera trois autres noms au comité. Si le comité estime cela impossible, le ministre fait alors un autre concours, duquel sont exclus ceux qui ont participé au premier.

Le rapport Bastarache tenait aussi compte du fait que le ministre pouvait exceptionnellement refuser une liste - parce qu'on découvre quelque chose sur les candidats, par exemple.

Comme le comité n'est pas contrôlé par le ministre, il n'y a pas à craindre qu'il se fasse passer une commande. Il vaudrait mieux, cependant, que le ministre soit tenu de s'expliquer dans les rares occasions où il rejetterait une liste - c'est le cas du Royaume-Uni.

Le reste est assez technique: création d'un secrétariat à la sélection, formation des membres du comité, engagement de confidentialité, interdiction formelle des influences, etc. On a préféré un nouveau règlement à une loi, plus solennelle, que proposait avec raison le juge Bastarache. Mais c'est secondaire.

Les deux clés sont la sélection et la nomination.

On améliore la sélection - qui ne posait pas grand problème, même si le politique y envoyait son représentant.

Et on resserre la nomination. La longueur de la liste est claire. Les noms des candidats rejetés ne sont pas transmis. Le premier ministre n'a plus à se mettre le nez dans ces listes: le choix du ministre va directement au Conseil des ministres pour approbation (ou pas). Cette fois, il n'y a plus d'ambiguïté.

Au total, on a donc amélioré le système sans trop l'alourdir (ce que craignaient bien des gens du milieu). Il n'y a de place là-dedans nulle part pour des lectures non autorisées, des «Post-it» ou des chuchotements entre le premier ministre et le ministre.

Il n'y en avait pas avant non plus, et ce qu'on a entendu à la commission Bastarache n'aurait pas dû arriver. Mais cette fois, c'est clair et personne ne pourra prétendre à son interprétation maison de règles non écrites, comme Jean Charest l'a fait.

C'est un progrès.