Bien sûr que ça n'a aucun sens de voir Vincent Lacroix sortir de prison au bout d'un peu plus de 2 ans, lui qui avait été condamné à 13 ans.

La faute à qui? La faute à un gouvernement qui se veut le champion de la loi et de l'ordre, qui multiplie les initiatives inutiles et cosmétiques pour donner l'impression qu'il lutte contre le crime... et qui n'a même pas été capable de nous débarrasser d'une règle qui ridiculise tant le système correctionnel que le système judiciaire.

Depuis longtemps déjà, il n'y a plus vraiment de débat. Diviser une peine par six la dénature complètement. Déjà, la loi oblige les juges à tenir compte de la réhabilitation du délinquant et dit que la prison est un dernier recours... S'il faut en plus diviser par six ces savants calculs, c'est qu'on jette la peine par-dessus bord.

Cette mesure, introduite il y a 15 ans par les libéraux, permet aux détenus des pénitenciers fédéraux (donc condamnés à une peine de deux ans et plus) de bénéficier d'un «examen expéditif» s'ils en sont à leur première peine fédérale (donc même s'ils ont été condamnés à des peines de moins de deux ans) pour un crime «non violent».

Qui répond à cette définition? Les super-trafiquants de drogue arrêtés pour la première fois. Les méga-fraudeurs. Les blanchisseurs d'argent du crime organisé. Des gens qui ont amplement mérité une peine de 8, 14, 19 ans par le sérieux de leur crime, puisqu'ils étaient souvent sans casier judiciaire... mais qui n'en purgeront que le sixième.

Tous les partis politiques à Ottawa nous disent qu'ils sont contre cette mesure. Le Bloc québécois a présenté deux projets, en septembre 2009 et en mars 2010, pour abolir ce système. Ç'aurait pu se faire en une journée.

Ça ne s'est pas fait.

Pourquoi? Parce que les conservateurs ont préféré présenter une vaste réforme des libérations conditionnelles, le projet de loi C-39. C'est un projet qui contient plusieurs mesures parfaitement défendables. Mais qu'est-ce qui empêchait de régler immédiatement le cas «du sixième» ?

Rien, sinon la politique partisane.

On sait depuis le jour de sa condamnation, en 2009, que Lacroix sera admissible à une libération après avoir purgé un sixième de sa peine. Le juge lui a infligé pratiquement le maximum permis par le Code criminel, mais on savait qu'il allait bénéficier de l'examen expéditif si on ne changeait pas la loi. On savait que ça ferait scandale de voir le champion des voleurs sortir après si peu de temps.

Et on n'a rien fait. On aurait voulu fabriquer un sentiment d'injustice qu'on n'aurait pas fait mieux. Eh! Cent quinze millions, neuf mille deux cents épargnants vidés... Ça, on ne le divise pas.

* * *

Ils accuseront sûrement l'opposition et le Sénat. Ils déchireront leur chemise pour les victimes. Ils sont très bons dans le déchirage de chemise pour les victimes.

Mais le fait est que les conservateurs, en cinq ans de pouvoir, n'ont pas réussi à abolir une mesure qu'ils ont dénoncée à tour de bras dans l'opposition, une mesure qu'aucun parti ne soutient, une mesure qui mine la crédibilité de la justice et qui devrait être en plein dans leur spécialité.

C'est une blague ou quoi?

Vincent Lacroix peut donc dire un grand merci aux conservateurs. Ils lui ont épargné deux ans de prison. C'est aussi nul que ça.