Marc Bellemare a été contredit par ses anciens collaborateurs, hier, mais le plus révélateur n'est pas là. Il est dans cette nouvelle version de l'anecdote au sujet de Pierre Legendre.

M. Legendre, fonctionnaire de carrière, a été directeur du cabinet du sous-ministre de la Justice jusqu'en 2003. Il se trouve que son frère, Richard Legendre, était député du Parti québécois à l'époque.

Dans son témoignage, Marc Bellemare nous a dit que, peu de temps après son arrivée au Ministère, son chef de cabinet, Michel Gagnon, est venu le voir, livide. Il venait de recevoir un coup de téléphone du député péquiste Richard Legendre. Selon Marc Bellemare, le député Legendre avait utilisé un ton «menaçant» et averti Gagnon de «faire attention à son frère».

Le ministre Bellemare ignorait que Pierre Legendre était le frère de l'autre et n'aimait pas qu'il ait accès à de l'information confidentielle. Il a fait venir le sous-ministre Bouchard peu de temps après, et... il se trouve que M. Legendre est allé finir sa carrière sur une tablette.

Tout le monde au Ministère a compris ce qui s'était passé. Marc Bellemare a écarté un homme parce que son frère était péquiste. Ce que nie Marc Bellemare, mais que confirment maintenant les témoins.

Là où ça devient intéressant, c'est dans la façon dont Marc Bellemare a vu l'événement: son chef de cabinet entre, livide, et lui dit que Richard Legendre lui a parlé sur un ton menaçant.

En partant, c'est étrange. Il faudrait que Richard Legendre soit stupide au dernier degré pour proférer des menaces aux collègues de son frère - et il ne l'est pas.

Hier, Michel Gagnon a donné sa version de l'affaire. Ça tombe mal pour Marc Bellemare, M. Gagnon est un vieil ami de cégep de Richard Legendre. Ce dernier l'a appelé pour le féliciter de sa nomination comme chef de cabinet et, à la fin de la conversation, lui a dit à la blague de faire attention à son frère. Le ton était absolument cordial entre les deux vieilles connaissances.

Quand Michel Gagnon relate la conversation à Marc Bellemare, celui-ci y voit une menace. Pourquoi?

Il faut dire que les justiciers n'ont pas tous un excellent sens de l'humour. M. Bellemare était particulièrement méfiant et impulsif.

On a aussi compris des témoignages que le nouveau ministre est entré à la Justice comme un matamore. Il pensait qu'il suffisait d'écrire une réforme pour la faire adopter.

On peut comprendre, remarquez. Il arrivait d'un bureau de trois avocats et se retrouvait dans un ministère de 3500 employés. La manière et le temps bureaucratique lui étaient inconnus...

Michel Gagnon a dit hier qu'il devait «ramasser» les employés que bousculait le ministre pendant l'année chaotique où il a officié.

On n'a jusqu'à maintenant pas d'indice selon lequel M. Bellemare aurait été un homme d'équipe, disons. On attend un témoin qui appuie un peu sa vision, sa version.

Est-ce que cela veut dire que Franco Fava n'a jamais tenté de faire pression sur lui? Non. Les tentatives d'ingérence ne se font pas au grand jour, documents à l'appui. Sauf que M. Bellemare a nommé des témoins et des confidents qui jusqu'ici l'ont contredit. Les éléments de corroboration sont donc archiminces jusqu'à maintenant.

D'autre part, cela nous montre un peu plus la personnalité de Marc Bellemare. Sa façon d'interpréter une situation.

Seul contre tous?