Oh, monsieur le maire, monsieur le maire! Nos chicanes municipales sont maintenant étalées dans LE magazine de référence, The Economist.

Ça fait un peu désordre.

Le jour même, La Presse publiait une entrevue absolument étonnante avec le grand patron de la Sûreté du Québec, Richard Deschesnes.

 

Étonnante d'abord parce qu'il confirme officiellement la tenue de cinq enquêtes criminelles sur des allégations de corruption autour de travaux municipaux à Montréal.

Étonnante ensuite parce qu'il fait part publiquement de son opinion sur l'ampleur du problème de la corruption dans le monde municipal. En 28 ans de carrière comme policier, il n'a jamais rien vu de tel - cinq enquêtes autour de la métropole.

Remarquez bien, pas besoin de remonter aux années 1940. En 1978, Gérard Niding, qui était président du comité exécutif de la Ville de Montréal, a dû démissionner quand on a appris qu'il s'était fait construire un chalet de 150 000$ à Bromont aux frais de l'entrepreneur Régis Trudeau, qui avait obtenu un contrat pour les Jeux olympiques de 1976. Niding s'est avoué coupable d'abus de confiance et de corruption et Trudeau a aussi été reconnu coupable d'abus de confiance.

C'est en quelque sorte la lutte contre la corruption municipale qui a mené Jean Drapeau au pouvoir, en 1954. Dans les années 1960 et 1970, les scandales de corruption ont éclaté dans le monde municipal québécois les uns après les autres.

Tout ça pour dire que si, de mémoire, M. Deschesnes n'a jamais rien vu de tel, ça ne veut pas dire que c'est nécessairement pire que jamais.

Pour ceux qui seraient tentés de désespérer de l'époque et de sa moralité, je citerai le ministre de la Justice du Québec Jérôme Choquette qui parlait ainsi en 1970: «La corruption existe à tous les niveaux de la société, au point que la fibre morale de cette province est en train de s'effriter.»

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Je n'essaie pas de banaliser le phénomène. Disons simplement que c'est un combat incessant.

Ce qui est intéressant, c'est précisément qu'il y ait des enquêtes. C'est signe que des gens se plaignent, des informations circulent. La difficulté des enquêtes de corruption est qu'il n'y a pas de victime apparente, du moins qui soit prête à parler. Ceux qui savent sont complices.

Je pense à une ville du Québec qui a une réputation légendaire de corruption systématique et très bien organisée: il n'y a apparemment aucune enquête là-bas. L'absence d'enquête n'est pas pour autant une preuve de probité.

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L'autre élément qui me frappe dans l'entrevue du chef Deschesnes, c'est qu'il en appelle à la formation d'une escouade spécialisée dans le domaine. On sait que les policiers sont toujours friands de nouvelles escouades, de nouveaux effectifs et de nouveaux budgets. Mais que le chef de la SQ vienne dire publiquement que le phénomène est suffisamment grave pour justifier un tel groupe, voilà qui est très significatif.

Certains ont peut-être honte de voir Montréal ainsi écorché. Soyons sérieux. Toutes les grandes villes nord-américaines ont fait face à ce genre de problème, y compris jusque dans les corps de police à l'occasion.

Maintenant qu'on en parle et qu'on sent une volonté... policière de s'y intéresser, les politiciens montréalais et les autres seraient malvenus de ne pas être pour la vertu.

Entre deux sorties contre La Presse et ses vilains journalistes, le maire Tremblay pourrait peut-être appuyer l'initiative, même.

Le juste prix du Canadien

Un expert texan en propriétés sportives cité dans La Presse mardi nous dit que les Molson n'ont pas payé «trop cher» pour le Canadien. Pas une aubaine, mais pas trop cher, dit-il.

Si l'expert le dit... Je me permets quand même d'avoir des doutes.

Quelque chose me dit que les acheteurs et ceux qui les ont aidés ont accepté de payer plus cher notamment pour empêcher Pierre Karl Péladeau de mettre la main sur l'équipe et l'entreprise de divertissement qui vient avec.

Bell, pour des raisons commerciales évidentes, presque existentielles, était disposé à en mettre un peu trop.

Mais beaucoup d'autres gens d'affaires montréalais étaient prêts à les appuyer... parce qu'ils ne veulent tout simplement pas voir PKP devenir trop gros dans le village.

On ne nous le dira jamais publiquement, mais il n'a pas que des amis à la Chambre de commerce, monsieur PKP...

Avec ce qu'on entend, je ne serais pas surpris d'apprendre un jour que certains partenaires/supporteurs avaient une stratégie de blocage qui allait au-delà de l'analyse des livres comptables du Canadien, tout alléchants qu'ils soient.

Pour paraphraser le Parrain, mais à l'envers: ce n'est pas seulement les affaires... c'est aussi personnel.

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