Si on a déjà reproché au gouvernement conservateur de Stephen Harper d'en faire un peu trop avec les affaires de terrorisme intérieur et d'entretenir un climat de peur à des fins politiques, on pourrait aujourd'hui affirmer que le gouvernement Trudeau, au contraire, affiche une certaine nonchalance devant ces menaces.

C'est par un simple communiqué que le gouvernement Trudeau a réagi, mercredi soir, à l'intervention de la GRC, qui avait abattu un jeune homme soupçonné de vouloir perpétrer un attentat terroriste dans une grande ville du pays, communiqué du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, dont la première phrase s'énonçait, curieusement, ainsi : 

« En ce qui concerne les mesures policières et celles liées à la sécurité prises au Canada, j'ai discuté de la situation avec le premier ministre afin de confirmer que la sécurité publique a été protégée adéquatement et qu'elle le demeure. »

Pas de point de presse, pas d'entrevue avec les médias nationaux (M. Goodale était dans sa province de la Saskatchewan), ni mercredi ni hier, au moment où la GRC dévoilait des détails importants de l'affaire. Il a fallu attendre la fin de la journée, hier, pour que Ralph Goodale donne une entrevue en Saskatchewan, dans laquelle il a précisé que son gouvernement ouvrirait un bureau de lutte contre la radicalisation, un projet dont il avait déjà parlé en février dernier.

La retenue du gouvernement en ces matières est certainement souhaitable, question d'éviter la récupération politique et d'apeurer la population, mais le détachement avec lequel il semble prendre l'affaire lui a attiré, avec raison, les critiques de l'opposition conservatrice. 

Il ne s'agit pas d'une saisie de drogue à la frontière ou de l'arrestation d'un fugitif, mais bien d'une intervention lourde qui s'est soldée par la mort d'un jeune Canadien de quelque 25 ans sympathisant de l'État islamique et visiblement dangereux.

On imagine bien que Ralph Goodale a parlé au premier ministre, ça va de soi, mais il aurait aussi dû s'adresser aux Canadiens pour les mettre au courant et les rassurer.

Au lieu de cela, M. Goodale indique dans son communiqué que le niveau d'alerte reste inchangé au pays, tout en suggérant à la population de rester vigilante et de rapporter aux autorités policières toute activité suspecte.

En anglais, M. Goodale a tout simplement indiqué que « ces agences [la GRC et le SCRS] ont été efficaces dans les circonstances ».

La GRC a donné hier quelques détails sur l'opération policière et sur le suspect abattu. La GRC a également souligné, et ce n'est pas la première fois, qu'elle ne peut tout simplement pas suivre et surveiller toutes les personnes qui pourraient représenter un risque, ce qui était d'ailleurs le cas d'Aaron Driver.

Les médias ont rapidement dressé le portrait du jeune homme, qui s'est radicalisé durant les dernières années, qui avait publiquement affiché sa sympathie pour l'EI et qui avait été arrêté à Winnipeg.

La police et les médias font leur boulot, mais il manque clairement un acteur sur cette scène : le gouvernement fédéral. Il en va de sa responsabilité politique et il doit rendre des comptes à la population.

Plusieurs questions se posent. Pourquoi le jeune homme n'était-il plus surveillé ? La GRC manque-t-elle, en effet, de moyens ? (M. Goodale a promis plus de ressources pour la GRC l'hiver dernier). Comment se fait-il que l'information d'une attaque imminente (notamment d'une vidéo de M. Driver) ait été communiquée aux autorités canadiennes par le FBI ? (Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs : l'identité de Michael Zehaf Bibeau, le tireur de la colline du Parlement, avait été d'abord révélée par des sources américaines.) Comment se fait-il que la GRC n'ait pas intercepté cette vidéo, d'autant plus qu'elle a été produite par un jeune homme connu des autorités policières ? En fait-on assez, au Canada, pour détecter ces loups solitaires et quel est le plan de lutte contre la radicalisation ?

Beaucoup de questions. Peut-être trop au goût du gouvernement Trudeau, qui n'est visiblement pas désireux d'aborder ces questions publiquement.

Nul besoin de sortir le premier ministre de ses vacances pour cette affaire, mais expédier le tout par un simple communiqué de presse laconique, ça ne fait pas très sérieux.