Depuis des années, toutes les images qui nous arrivent du Parlement fédéral nous montrent des engueulades, des foires d'empoigne, des rixes partisanes puériles et vaines. Hier soir, après cette attaque insensée contre le siège social de la démocratie canadienne, nous avons vu des leaders politiques capables de s'élever au-dessus de la mêlée, capables de se serrer les coudes pour faire front et pour rassurer la population.

Hier soir, le premier ministre Stephen Harper, le chef de l'opposition officielle Thomas Mulcair et le chef libéral Justin Trudeau ont su trouver les mots et le ton juste dans les circonstances. Thomas Mulcair a même pris soin de dire que nous sommes derrière «notre premier ministre» dans cette épreuve collective, des mots dignes d'un adversaire qui met son devoir devant ses ambitions.

Cet attentat absurde aura eu au moins ça de bon: créer, après un terrible chaos, une saine solidarité entre des adversaires qui semblent trop souvent engagés dans des guerres à finir stériles et partisanes.

Cet attentat aura eu, par son absurdité, un autre point positif: nous rappeler que malgré le cynisme ambiant, une société libre et démocratique a besoin d'institutions fortes, comme le Parlement, comme le premier ministre et les chefs de l'opposition. Une attaque contre le siège de la démocratie, c'est une attaque contre nous tous. Le meurtre prémédité de gens en uniforme, c'est un assaut contre notre sécurité collective.

Il reste évidemment des tonnes de questions à propos de cette journée de terreur dans la capitale fédérale.

Par exemple, comment se fait-il qu'un individu aussi lourdement armé puisse entrer aussi facilement dans l'édifice du Parlement? Moi qui ai déjà été membre en règle de la Tribune parlementaire, je dois montrer patte blanche et passer par la fouille et le détecteur de métal lorsque je retourne à la Colline du Parlement. Armé de mon calepin, je ne pourrais jamais approcher de l'entrée principale du parlement au pied de la Tour de la Paix. Encore moins entrer sans être intercepté manu militari. Comment un homme à l'apparence aussi inquiétante et armé d'un long fusil a-t-il pu entrer et aller aussi loin dans un édifice rempli d'élus? La sécurité, ça ne devrait pas servir à impressionner les honnêtes touristes en visite à Ottawa, mais bien à prévenir d'abord ce genre d'événement.

Autres questions, plus troublantes, celles-là: cet attentat est-il le fait d'un homme solitaire et dérangé inspiré par l'actualité récente, ou s'agit-il d'un autre jeune Canadien radicalisé animé par des courants islamistes radicaux?

Dans son adresse à la nation, hier soir, le premier ministre Stephen Harper a affirmé que le Canada ne se laisserait jamais intimider par des actions terroristes. Il a ajouté que «nous en apprendrons davantage sur le terroriste et ses complices» au cours des prochaines semaines. Visiblement, le premier ministre Harper sait des choses que nous ne savons pas.

Stephen Harper a reçu par ailleurs des appels de réconfort du président américain Barack Obama et du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, qui lui ont assuré leur appui dans sa lutte contre le terrorisme. Est-ce bien de cela qu'il est question ici? On le saura vraisemblablement dans les prochains jours.

Chose certaine, les choses viennent de changer pour de bon au Canada. Et probablement pour longtemps.

Fini le temps où le premier ministre du Canada pouvait prendre un bain de foule à la bonne franquette, comme le faisait Jean Chrétien. Vous vous souvenez de l'époque où Pierre Elliott Trudeau quittait la Colline du Parlement au volant de sa Mercedes décapotable? Aujourd'hui, Stephen Harper circule dans une limousine blindée suivie d'un impressionnant convoi de 4x4 remplis d'agents lourdement armés.

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