Longtemps favorite de Jean Charest, dont elle était devenue le bras droit, Nathalie Normandeau a visiblement bien appris la leçon de son maître pour s'en sortir quand ça chauffe: la meilleure défense, c'est l'attaque.

Pardonnez-moi le cliché, mais c'est la première réaction que j'ai eue hier en lisant le court communiqué de l'ex-vice-première ministre, dans lequel elle affirme notamment que les fleurs et les billets de spectacle que lui a offerts Lino Zambito n'ont en aucun temps influencé ou altéré ses prises de décision.

Elle conclut en ajoutant: «Je tiens à réaffirmer que j'ai toujours fait mon travail avec rigueur tout en étant consciente de l'importance d'honorer la confiance des citoyens. Aujourd'hui, je ne laisserai personne remettre en question mon intégrité.»

Pour quelqu'un qui chérit son intégrité à ce point, Mme Normandeau a fait preuve, dans ses relations avec l'ex-entrepreneur Lino Zambito: a) de totale insouciance; b) de mépris envers les règles d'éthique élémentaires; c) de manque de jugement grave et répété; d) d'aveuglement volontaire; e) toutes ces réponses.

Les libéraux veulent nous faire croire que la réponse est c), manque de jugement. C'est ainsi que Jean Charest a défendu sa ministre jusqu'à la fin, y compris en rencontre éditoriale à La Presse, vers la fin de la dernière campagne.

«Erreur de jugement», la belle affaire! Et même si c'était vrai, le manque de jugement n'est pas une preuve de probité. À en juger par ses relations avec Lino Zambito, les nombreux billets de spectacle, les roses, les cocktails de financement, Mme Normandeau est une multirécidiviste du manque de jugement.

En plus, elle n'a pas dit toute la vérité sur ses relations avec l'entrepreneur, qu'elle disait connaître à peine, l'an dernier, lorsque l'histoire des billets d'un spectacle de Céline Dion est sortie.

Un collecteur de fonds aussi dévoué (intéressé, en fait) qu'efficace, qui offre des billets de spectacle, qu'on appelle même pour des billets, qui envoie des roses, qui organise des soirées de financement rapportant plus de 100 000$, qui paye de sa poche, c'est précieux pour un parti politique. Un ministre ne l'oublie pas comme le dernier quidam à qui il a serré la main.

Les billets de Céline ou de Madonna, les 40 roses avec un charmant petit mot, ce ne sont pas que des anecdotes, ce sont des illustrations du modus operandi de ce genre de donateur intéressé.

C'est comme ça que ça marche entre un corrupteur et un corrompu: un régime de faveurs, des cadeaux, de petites attentions, des gens qui se croisent dans des soirées et des lieux inaccessibles au commun des mortels et des renvois d'ascenseur en temps opportun. Des gens qui ont le bras long, qui peuvent sortir leur portable et régler d'épineux problèmes en moins de deux parce qu'ils savent qui appeler et quoi dire. Des membres d'un club privé, sélect, puissant. Un club politique.

On a vu ce genre de choses lors de la commission Gomery. On reconnaît même certains membres du club, comme Bruno Lortie, qui était chef de cabinet de Nathalie Normandeau (c'est lui qui a si délicatement souligné à Lino Zambito que les femmes aiment les fleurs...). M. Lortie, ex-organisateur du PLC dans la région de Québec, avait reçu de l'argent comptant pour ses services lors de la campagne fédérale de 2000, selon les témoignages entendus à la commission Gomery.

M. Lortie a été proche collaborateur de Marc-Yvan Côté, ancien ministre libéral provincial et témoin «vedette» de la commission Gomery, qui appuie maintenant ouvertement Philippe Couillard dans la course à la direction du PLQ.

Il ne s'agit pas ici de faire des procès et d'établir la culpabilité par association, mais les révélations des derniers jours forcent les candidats à la succession de Jean Charest à être plus blancs que blancs.

Un des principaux organisateurs de M. Couillard est Alexandre Bibeau, fils de Pierre Bibeau et ancien chef de cabinet de David Whissell, des noms étalés sur la place publique lors du témoignage de Lino Zambito.

Cela ne prouve rien, mais Philippe Couillard, Raymond Bachand et Pierre Moreau ont intérêt à savoir qui les entoure et, surtout, qui collecte de l'argent pour eux.

Il y a un an à peine, le président de la campagne de financement de M. Couillard et nouveau député de LaFontaine, Marc Tanguay, a affirmé qu'une commission d'enquête sur le monde de la construction n'était pas nécessaire. M. Tanguay était alors président du PLQ.

Dira-t-il aujourd'hui, comme Jean-Marc Fournier, comme Nathalie Normandeau, comme David Whissell, bref, comme tous les libéraux, qu'il n'était au courant de rien? Qu'il n'a jamais rien vu, rien su?

Bernard Drainville, ministre péquiste responsable des Institutions démocratiques, a profité de la tourmente qui secoue le PLQ pour demander aux candidats à la direction de ce parti d'appuyer sa position sur le financement des partis (abaisser le maximum de don individuel de 1000$ à 100$ par année).

C'est de bonne guerre. Mais au-delà des joutes politiques prévisibles en période de gouvernement minoritaire, Philippe Couillard, Pierre Moreau et Raymond Bachand doivent expliquer leur position pour assainir les moeurs politiques et nettoyer le financement des partis.