On a parfois reproché au député Pierre Curzi d'être brouillon, bouillant et intempestif, mais il se prépare à quitter la scène politique avec une classe qui l'honore et qui mériterait l'attention de plusieurs de ses collègues à l'Assemblée nationale.

Il y a un an, presque jour pour jour, M. Curzi claquait la porte du caucus du Parti québécois, en compagnie de Lisette Lapointe et de Louise Beaudoin. Mme Beaudoin a réintégré le PQ, mais ne se représentera pas aux prochaines élections. Mme Lapointe n'est pas revenue au bercail et elle tirera, elle aussi, sa révérence. Quant à M. Curzi, il a décidé de terminer son mandat dans Borduas comme député indépendant, après quoi, il partira lui aussi, question, a-t-il expliqué, de ne pas diviser le vote et nuire au PQ.

Avant de passer la main, Pierre Curzi l'a tendue aux «progressistes» et aux souverainistes qui, écrit-il dans une lettre publiée par Le Devoir, ont le devoir de s'unir pour barrer la route au Parti libéral.

La démonstration mathématique de M. Curzi tient la route (du moins, théoriquement). On peut penser, comme il le fait, que la division du vote souverainiste, progressiste ou tout simplement anti-libéral entre le PQ, Québec solidaire et Option nationale favorisera, dans certaines circonscriptions, le PLQ ou la Coalition avenir Québec.

Un peu comme, sur la scène fédérale, l'union du Nouveau Parti démocratique et du Parti libéral du Canada, regroupés dans une union centre gauche, pourrait bloquer la route aux conservateurs. Tout logiques qu'ils puissent paraître, ces deux projets de fusion ont du plomb dans l'aile.

Au fédéral, à peu près plus personne n'en parle et l'arrivée de Thomas Mulcair à la tête d'un NPD requinqué a poussé l'idée aux oubliettes.

Mardi soir, lors d'une fête marquant le 15e anniversaire de l'élection de Denis Coderre à Ottawa, il y avait dans cette salle du Musée des beaux-arts les deux plus fervents partisans d'une fusion PLC-NPD, soit M. Coderre lui-même et son mentor politique, Jean Chrétien. Ce dernier est encore très respecté dans son parti, mais il est parti il y a près de 10 ans et son influence n'est plus ce qu'elle était. Pour ce qui est de Denis Coderre, tout le monde sait qu'il a déjà la tête ailleurs...

De retour sur la scène provinciale, l'appel à l'unité lancé par Pierre Curzi a été immédiatement rejeté par la chef péquiste, Pauline Marois, qui demande plutôt aux souverainistes de (re)venir au PQ.

Du côté de Québec solidaire, la réponse a été encore plus ferme: pas question de s'unir au Parti québécois qui, comme les libéraux, a profité de financement douteux, a notamment dit Amir Khadir. Selon le député de Mercier, libéraux et péquistes se valent à bien des égards et, en ce sens, il est faux de prétendre que le PQ représente une solution de changement réel et valable.

Dans sa réponse écrite à son «ami» Pierre Curzi, M. Khadir note, un brin malicieux, que «le PQ a aussi démontré sa capacité de perdre face aux libéraux [trois fois de suite...] par ses propres moyens, quand les votes «à sa gauche» étaient de 1%, ou 3,75%. Pourquoi ne réussit-il pas à canaliser l'énorme mécontentement face aux politiques de Jean Charest? Ne devrait-il pas se poser la question?»

Ajoutez à cela que les solidaires se sentent depuis longtemps méprisés par le PQ et vous comprenez que la fusion est impossible.

Mathématiquement, je répète, Pierre Curzi a raison: un plus un = deux. Le calcul de M. Curzi suppose que la souveraineté est le dénominateur commun.

Il écrit d'ailleurs: QS, ON et le PQ veulent ce que nombre de Québécois veulent. Ce sont des partis indépendantistes, à divers degrés certes, mais indépendantistes avoués.

Je suis loin d'être convaincu que l'indépendance du Québec soit, en 2012, le catalyseur dont parle M. Curzi. D'ailleurs, le Parti québécois de Pauline Marois fera une campagne pour prendre le pouvoir sans promettre de référendum dans son premier mandat, ce qui est une première au PQ. (Notez: j'ai écrit prendre le pouvoir, pas le garder, ce qui est différent.) La dernière fois qu'un chef du PQ a pris le pouvoir en s'engageant à organiser un référendum, c'était Jacques Parizeau en 1994, il y a 18 ans.

S'il y a une chose que le printemps érable a démontré, c'est que le débat souverainiste-fédéraliste s'est éclipsé devant des discussions gauche-droite. C'est plus du rôle de l'État dont il est question que de son avenir constitutionnel.

L'appel à l'unité de Pierre Curzi est rationnel, mais dans le climat actuel, la décision de Québec solidaire de faire cavalier seul l'est tout autant. Ce jeune parti bien en vue dans les circonscriptions francophones du centre de Montréal a beaucoup plus à gagner dans un débat gauche-droite que dans les méandres d'une prochaine stratégie référendaire.