La semaine prochaine, le 14 précisément, Jean Charest fêtera ses neuf ans au pouvoir.    

«Fêter» n'est peut-être pas le verbe approprié dans les circonstances puisque le cap des neuf ans est généralement fatal pour les gouvernements au Québec.

Depuis 1976, soit une période de 36 ans, tous les gouvernements, qu'ils soient péquistes ou libéraux, n'ont pas survécu au-delà de leur neuvième année d'existence.

La date de péremption des gouvernements semble programmée et le principe d'alternance PQ-PLQ ne se dément pas depuis René Lévesque (Pierre Marc Johnson), suivi de Robert Bourassa, puis de Jacques Parizeau (Lucien Bouchard et Bernard Landry) et, en avril 2003, de Jean Charest.

Par ailleurs, aucun gouvernement n'a duré plus de 9 ans au Québec depuis celui de Maurice Duplessis, qui a été au pouvoir pendant 16 ans (de 1944 à 1960).

Survive au pouvoir au-delà de la malédiction des neuf ans est tout un défi, surtout quand on est aussi mal en point que le gouvernement de Jean Charest. Si Jean Charest repousse les élections dans un an, il atteindra le plateau des dix ans au pouvoir, mais se lancer en campagne ce printemps, comme le veulent certaines rumeurs, représente un pari téméraire.

Les chiffres des derniers sondages, quoique mauvais pour les libéraux, leur laissent tout de même un mince espoir.

En 2003, juste avant le début de la campagne qui allait les porter au pouvoir, les libéraux de Jean Charest recueillaient 31% des intentions de vote au général et 19% chez les francophones, soit... exactement la même chose qu'aujourd'hui!

Il y a toutefois une différence majeure: en 2003, le PLQ représentait le changement, la solution de rechange au gouvernement péquiste au pouvoir depuis neuf ans.

Autre élément de réflexion pour les libéraux: le gouvernement Landry jouissait, au début de la campagne de 2003, d'un taux de satisfaction de près de 50%, mais il a tout de même été battu. Avec un taux de satisfaction à 30%, il faudrait un miracle pour que Jean Charest surmonte la grogne et l'usure du pouvoir qui plombent son parti.

Les libéraux peuvent espérer une division du vote PQ-CAQ avantageuse pour eux, mais notons qu'en 2003, l'ADQ de Mario Dumont avait récolté 29% des intentions de vote (27% chez les francophones), tandis que la CAQ est à 24%. Notons aussi que le PQ est plus fort chez les francos qu'en 2003 (41% contre 38%), ce qui lui donne un avantage décisif en province.

Selon les libéraux, le vote des personnes âgées est sous-évalué dans les sondages. Possible, mais la mobilisation actuelle contre ce gouvernement (étudiants, artistes, syndicats, citoyens) assombrit par ailleurs sérieusement le paysage électoral des libéraux.

On ne peut pas dire, en outre, que l'opération Plan Nord lancée dans les premiers jours de 2012 s'est avérée très fructueuse pour le gouvernement Charest. Quant au budget Bachand déposé il y a deux semaines, il a disparu du paysage médiatique presque aussi vite que le fameux message d'ouverture d'un épisode de Mission impossible.

Autre différence majeure entre aujourd'hui et 2008: à l'époque, nous avions un gouvernement Harper minoritaire à Ottawa. Aujourd'hui, il est majoritaire et les nombreux différends avec Québec favorisent une option plus nationaliste, voire une police d'assurance souverainiste, donc, le PQ.

On pourrait croire que les libéraux essaient de marquer des points en s'en prenant au gouvernement Harper dans les dossiers des données du registre des armes d'épaule et d'Aveos. Historiquement, il a souvent été payant pour les gouvernements du Québec d'en découdre avec Ottawa, mais dans ces deux cas, cela pourrait aussi jouer contre M. Charest. En effet, il est quelque peu curieux de constater que le très fédéraliste gouvernement du Québec, normalement le meilleur allié du gouvernement central, doit recourir aux tribunaux pour préserver des données ou pour faire appliquer une loi fédérale.

Malgré la résurgence de rumeurs électorales, c'est mal barré pour les libéraux ce printemps.

Oui, mais, diront certains, Jean Charest nous a habitués à des miracles, comme en 2008, lorsqu'il a regagné une majorité.

Vrai, mais voyons un peu les chiffres d'octobre 2008, juste avant le déclenchement des élections: PLQ: 41% (35% chez les francos); PQ: 32% (35% chez les francos): ADQ: 16% (18% chez les francos). Taux de satisfaction envers le gouvernement Charest: 61%.

Rappelons que le PLQ se maintient dans les sondages (31%) aujourd'hui grâce à sa base anglophone et allophone indéfectible, mais qu'il est loin troisième auprès de la majorité francophone. Son taux de satisfaction est deux fois moins élevé qu'en 2008 et Jean Charest a perdu récemment son titre de «meilleur premier ministre parmi les candidats».

Si Jean Charest décide vraiment de lancer les dés ce printemps, c'est qu'il en est arrivé à la conclusion que les choses ne s'amélioreront pas d'ici à l'automne 2013, limite de son présent mandat. Avouez que cela ne constitue pas une très grande source de motivation.