Monique Jérôme-Forget par-ci, Monique Jérôme-Forget par là.

À la radio dès le petit matin, puis hop, elle fonce vers un studio de télévision pour se précipiter quelques heures plus tard devant les journalistes de la tribune parlementaire à Québec.

Généralement, lorsque l'on voit un ministre s'agiter autant, cela fait germer des soupçons sur ses ambitions pour la direction.

 

Dans le cas de la ministre des Finances, toutefois, c'est tout le contraire: si d'aventure elle eût entretenu quelque ambition du genre (ce qui n'est pas le cas, selon son entourage), sa surexposition des derniers jours vient d'y mettre fin.

On pourra dire de Monique Jérôme-Forget qu'elle n'a pas dit toute la vérité lors de la dernière campagne électorale. Ou on pourra lui reprocher d'avoir sorti de belles grosses lunettes roses de sa célèbre sacoche. Mais on ne pourra certainement pas lui reprocher d'être déloyale envers son chef et de se défiler quand ça chauffe. Depuis trois jours, Mme Jérôme-Forget s'est transformée en gilet pare-balles pour Jean Charest et elle a pris toutes les volées de plomb.

Hier matin, par exemple, c'est elle-même qui a téléphoné à l'émission de Paul Arcand au 98,5 pour se défendre en ondes! Même volontarisme, deux jours plus tôt, à RDI, pour parler de la Caisse de dépôt.

Cela soulève une grave question: où est Jean Charest?

Physiquement, il est à Québec, évidemment, puisqu'il a présidé une réunion extraordinaire de deux jours, mardi et mercredi, du Conseil des ministres. Mais politiquement, le premier ministre est complètement absent.

La dernière fois qu'on l'a vu, c'était la semaine dernière, à l'Élysée, lors de la cérémonie en son honneur. Au Québec, il faut remonter au mois dernier, à l'occasion de la courte session extraordinaire de l'Assemblée nationale sur la crise économique.

Pourtant, c'est M. Charest lui-même qui nous a lancés en campagne électorale, tard en automne, sous prétexte qu'il fallait urgemment élire un gouvernement majoritaire ayant le mandat fort de s'occuper de l'économie.

M. Charest, vous vous en souviendrez, voulait n'avoir qu'une seule paire de mains, la sienne, sur le volant. On dirait bien, toutefois, qu'il a plutôt les mains dans les poches ces temps-ci.

La comparaison avec le président américain, omniprésent, lui, n'avantage pas Jean Charest. Barack Obama s'agite depuis un mois avec une inépuisable énergie pour tenter de relancer l'économie; Jean Charest se balade en Europe et se cache derrière sa ministre des Finances.

Il ne s'agit pas, évidemment, de décharger la ministre des Finances de ses responsabilités ni d'excuser ses prévisions jovialistes de la campagne électorale.

Considérant, toutefois, l'écart abyssal entre ce que ce gouvernement nous a dit pendant la récente campagne et la réalité, Jean Charest nous doit certainement quelques explications.

Par exemple, pourquoi avoir promis l'équilibre budgétaire, alors que tout indiquait que nous nous dirigions vers un déficit?

Je me souviens d'avoir posé la question suivante au premier ministre (sa ministre des Finances était à sa gauche) en tout début de campagne: crise économique = moins de revenus pour l'État, qui, par ailleurs devra dépenser davantage. Pouvez-vous, donc, exclure aujourd'hui un retour au déficit et des hausses de tarifs?

Je ne me rappelle pas toutes les arabesques dans sa réponse, mais, en gros, le premier ministre m'avait répondu: ne vous en faites pas, l'équilibre budgétaire est assuré, même sans hausses de tarifs.

Après les revirements des derniers jours dans les finances publiques du Québec, doit-on aussi conclure que les hausses de tarifs, comme le déficit, sont maintenant inévitables?

Ne manquerait plus que ça pour finir de «brûler» Monique Jérôme-Forget. Celle-ci, de toute façon, ne finira vraisemblablement pas son mandat (selon des sources libérales fiables, elle n'était pas chaude à l'idée de se représenter la dernière fois, mais elle est restée à la demande du premier ministre, qui voulait garder intacte son équipe économique).

Les libéraux peuvent bien brûler Monique Jérôme-Forget pour sauver Jean Charest. Il se peut même que cela fonctionne et que l'on passe l'éponge, dans 12 ou 18 mois, si la reprise attendue se confirme.

À court terme, toutefois, cette stratégie ne peut que nuire à l'économie du Québec parce qu'elle effrite encore un peu plus la confiance.

Les Québécois avaient déjà perdu confiance dans les marchés, dans l'économie en général et dans le marché du travail. Ils ont maintenant de bonnes raisons de perdre confiance en leur gouvernement.

Sous-estimer l'ampleur des problèmes en campagne électorale pour ensuite égrener le chapelet des mauvaises nouvelles ne fera rien, en effet, pour faire remonter le niveau de confiance.

Que savait vraiment Jean Charest lors de la dernière campagne électorale à propos de la Caisse de dépôt, sur le déficit ou sur les coupes à la péréquation?

On ne le saura jamais avec certitude, mais de deux choses l'une: soit il savait, ce qui trahirait un opportunisme politique primaire; soit il ne savait pas, ce qui est paradoxal pour un chef qui se fait élire en prétendant être le mieux placé pour faire face à la crise.

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