Annie Bahl est entrepreneure. Sa petite entreprise, 4 services, offre des cours de cuisine aux enfants, principalement dans les garderies et les écoles primaires.

Mais depuis bientôt un an, les choses vont mal. Pas juste dans son entreprise. Dans sa vie, aussi. Elle a perdu 40 % de son chiffre d'affaires en raison des coupes budgétaires dans les écoles et des hausses de tarifs dans les garderies. Moins d'argent, moins de contrats. Et elle s'est séparée du père de ses deux garçons, parti vivre à Joliette.

Mais ce n'est pas ça, le pire. Le pire, c'est son fils Ulric, âgé de 10 ans. Il va mourir.

Le diagnostic est tombé le 13 novembre 2015 : un glioblastome de grade 4. Le dernier grade. Le glioblastome est une saleté de cancer cérébral très agressif et incurable. Il touche surtout les personnes de 45 ans à 70 ans. Des petits gars de l'âge d'Ulric ? Très peu. Un ou deux par année, au Québec.

« Cette année, dit Annie, c'est mon fils. »

Le pire, c'est aussi de savoir qu'il va mourir et de ne rien pouvoir faire pour le sauver. Le glioblastome ne se traite pas. Ça, et tous les problèmes financiers qui viennent avec la prise en charge d'un enfant gravement malade qui requiert des soins de tous les instants, quand on gère une petite entreprise sans l'aide de personne, surtout pas de l'État.

Avec les mois, Annie a dû réduire ses heures, réduire son personnel, refuser des contrats et prévenir ses clients qu'elle mettait 4 services sur pause. De 10 employés, elle est passée à 3.

Mais comme elle ne contribue pas à l'assurance-emploi parce qu'elle est à son compte, elle n'a pas droit au chômage. Ni aux allocations de chômage ni aux prestations pour les parents d'un enfant malade. Mais elle a quand même des dépenses et une hypothèque à payer.

Et comme elle gère une toute petite entreprise, elle n'a pas les moyens de payer un gestionnaire pour la remplacer pendant qu'elle s'occupe de son fils malade, tout en veillant sur le plus grand, Liam, 13 ans. Et même si elle en avait les moyens, elle n'aurait pas l'énergie d'expliquer ses tâches.

Elle a demandé un coup de pouce à des propriétaires de PME qu'elle connaît. Pas de réponse. « C'est décourageant », dit-elle.

Elle a aussi cherché, auprès de Leucan et de la Société canadienne du cancer, quelqu'un dans sa situation, une mère seule, chef d'entreprise, avec un enfant atteint d'une tumeur mortelle, mais elle n'en a pas trouvé.

« J'avais besoin de repères. De me sentir moins seule dans ma situation. Quand on est entrepreneur, on est toujours seul. Mais là, je suis encore plus seule », raconte Annie Bahl.

« C'est très difficile. Au début, je n'ai pas arrêté de travailler. Je ne pouvais pas. Mon fils a eu une biopsie, puis des traitements de radiothérapie tous les jours pendant six semaines, mais ça n'a pas fonctionné. La tumeur a continué à grossir. Il a aussi eu de la chimio, mais il a dû arrêter après quatre semaines, parce que son corps ne le supportait pas. On allait à l'hôpital tous les jours, ma mère et moi.

« J'ai roulé comme ça jusqu'au début janvier. J'avais dans ma tête qu'il allait mourir. Au début, j'étais forte pour mes employés, pour la survie de mon entreprise. Je voulais que mon entreprise reste vivante, mais c'était trop dur. »

En février, pour joindre les deux bouts, Annie s'est résolue à lancer une campagne de sociofinancement sur le site generosity.com. Elle a aussi créé une page Facebook « Soutenons Ulric », pour donner des nouvelles de son fils sans avoir à parler à tout le monde, tous les jours. Elle ne s'en sentait pas capable.

Résultat : à ce jour, Annie a récolté près de 10 000 $, dont 4000 $ sur generosity.com. Les professeurs de l'école d'Ulric ont fait une collecte et lui ont remis 4500 $. À cela se sont ajoutés quelques dons privés.

Deux mois plus tard, en avril, Annie s'est fait dire par les médecins de réaliser au plus vite le voyage offert par la Fondation Rêves d'enfants. Le temps d'Ulric est compté. Ils sont allés au Costa Rica chasser les insectes pendant une semaine. Ulric adore les insectes. Un de ses plus grands amis est Georges Brossard, le fondateur de l'Insectarium de Montréal.

« Un super voyage, dit Annie. Dix sur dix. »

Un examen de résonance magnétique a montré, en mai, que la tumeur avait progressé et qu'elle occupait plus de la moitié de son cerveau. Mais même si la mort est une atroce certitude, Ulric se porte plutôt bien. Il n'a pas de symptômes, en ce moment, dit sa mère.

« Il est fatigué, c'est sûr, mais il s'amuse. On est au chalet d'un ami, en Outaouais. Il cherche des insectes, il pêche, il joue dans l'eau. Mais je suis toujours en train de penser : est-ce la dernière belle journée d'Ulric ? Je pense aussi à l'après : est-ce que je vais être capable de travailler ? Je ne sais pas ce qui m'attend. Ma vie est entre parenthèses. »

Celle d'Ulric est en sursis.

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> Participez à la campagne sur la plateforme Generosity

> Consultez la page Facebook « Soutenons Ulric »