Le Régime de rentes du Québec (RRQ) a un petit faible pour les femmes. Et c'est tant mieux, car les femmes ont beaucoup plus d'efforts à faire que les hommes dans la planification de leur retraite.

Si elles doivent économiser davantage, c'est qu'elles vivent environ trois ans de plus que les hommes. Mais ce n'est pas facile de mettre des sous de côté, car elles ont un salaire moins élevé et elles doivent s'absenter du marché du travail lorsqu'elles ont des enfants. Trop souvent, les femmes se retrouvent donc le parent pauvre de la retraite. Ce n'est pas pour rien qu'elles sont 60 % plus nombreuses à recevoir le Supplément de revenu garanti (SRG) et que le montant qu'elles touchent est 80 % plus important que celui des hommes. Voilà la triste preuve que les femmes sont plus démunies que les hommes à la retraite, puisque le SRG est destiné aux aînés qui ont du mal à joindre les deux bouts.

Même si la mission première du RRQ n'est pas la redistribution de la richesse, le régime donne aussi un coup de main à la gent féminine, comme vient de le quantifier une étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke.

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À la base, tous les travailleurs québécois versent les mêmes cotisations au RRQ, soit 10,8 % de leur salaire jusqu'à concurrence de 57 400 $ en 2019. À la retraite, tous les travailleurs ont droit à une rente qui correspond à 25 % de leurs revenus, ce qui représente un maximum d'environ 13 900 $ par année.

Ceux qui s'imaginent qu'ils cotisent pour des « peanuts » au RRQ seront heureux d'apprendre que cela équivaut à un taux de rendement de 4,4 % pour la cohorte qui est née en 1960 et qui a 59 ans aujourd'hui. Autrement dit, c'est le rendement qu'un individu aurait dû réaliser s'il avait investi toutes les cotisations versées pour obtenir une rente équivalente à celle du RRQ.

Mais le taux de rendement des femmes avec le RRQ est plus élevé, parce qu'elles vivent jusqu'à 87 ans, comparativement à 84 ans pour les hommes, ce qui fait qu'elles reçoivent leur rente trois ans de plus, sans avoir cotisé davantage.

Ce n'est pas tout. Pour reconnaître que les femmes doivent s'absenter du travail à la naissance de leurs enfants, le RRQ permet d'exclure du calcul de la rente toutes les années où une personne a reçu une prestation familiale pour un enfant de moins de 7 ans.

Neuf fois sur dix, c'est la mère qui touche ces prestations. C'est donc elle qui peut bénéficier de cet avantage. De cette manière, la mère qui a arrêté de travailler pour s'occuper de ses enfants (ou qui a travaillé à temps partiel) n'est pas pénalisée par ces années à plus faibles revenus.

Par ailleurs, une autre facette du RRQ donne un coup de main aux plus bas salariés. Il s'agit de l'exemption de base qui fait en sorte qu'on ne cotise pas sur la première tranche de 3500 $ de revenus.

« C'est un mécanisme de redistribution de la richesse qui réduit les cotisations pour les personnes qui ont des revenus moins élevés », explique le coauteur de l'étude, Antoine Genest-Grégoire, professionnel de recherche à la Chaire.

Cette caractéristique favorise davantage les femmes qui, encore aujourd'hui, n'ont pas une paie aussi élevée que celle des hommes. Misère, il reste encore du chemin à faire ! En fait, le salaire horaire des hommes est 12 % plus élevé. Et leur paie hebdomadaire est 26 % plus élevée que celle des femmes qui travaillent moins d'heures.

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Tout cela mis ensemble fait en sorte que les femmes ont un taux de rendement supérieur à celui des hommes sur leurs cotisations au RRQ.

Pour bien comprendre la différence, imaginons le cas de Pierre qui gagne un salaire de 57 400 $ et de Mireille qui empoche 75 % de cette somme. La dame s'est absentée deux ans du marché du travail à la naissance de chacun de ses deux enfants.

Les deux travailleurs prendront leur retraite l'an prochain à 60 ans et demanderont leur rente à 65 ans. Le taux de rendement de Pierre sera alors de 4,18 %, par rapport à 4,94 % pour Mireille.

« Pour chaque dollar cotisé au RRQ, elle obtient un rendement 18 % supérieur », résume le coauteur de l'étude, Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke.

Mais il ne faut pas perdre de vue que Mireille aura quand même une rente inférieure à celle de Pierre, qui recevra environ 16 000 $ par année, comparativement à seulement 12 000 $ pour Mireille... qui touchera sa rente trois ans de plus.

Bien sûr, cela reflète le fait que Pierre a cotisé davantage. Tout au long de sa carrière, il aura versé 111 000 $ au RRQ, alors que Mireille n'aura cotisé que 70 % de cette somme (77 000 $). Mais jusqu'à sa mort, elle recevra 266 700 $ en rentes du RRQ, soit 87 % du montant que touchera Pierre (307 100 $).

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Mais les temps changent. Et le nouveau volet du RRQ, qui est entré en vigueur en janvier dernier, ne sera pas aussi galant envers les femmes.

Il n'y a pas de mécanisme permettant d'exclure les années où un parent a mis sa carrière en veilleuse pour s'occuper d'un tout-petit.

N'empêche, cette bonification est une excellente nouvelle pour les jeunes qui commencent à travailler et qui pourront compter sur une rente plus juteuse lorsqu'ils prendront leur retraite dans 40 ans.

PHOTO REEM BAESHEN, ARCHIVES REUTERS

Les femmes ont un taux de rendement supérieur à celui des hommes sur leurs cotisations au RRQ.