Ils sont débarqués à l'heure du lunch le jour de la fête des Mères. Le camion de la Ville, les cônes orange et tout le bataclan. L'escouade de cols bleus s'est mise à réparer le puisard au coin de ma rue alors que les familles profitaient de ce paisible dimanche du mois de mai.

La situation était-elle si urgente ? Sûrement pas, car le problème n'est toujours pas réglé. La fin de semaine dernière encore, le puisard débordait. Pourtant, la bande d'ouvriers est revenue au moins quatre fois durant l'été, toujours escortée d'un sous-traitant avec sa « pépine ». Chaque fois, c'est le même branle-bas de combat.

Cette interminable opération est devenue la risée du voisinage exaspéré de voir ses taxes municipales littéralement jetées dans le caniveau sous ses yeux.

Alors si vous me demandez quelle est ma satisfaction face aux rues pleines de trous de la ville de Montréal, je vous dis tout de suite que la note ne sera pas haute.

« C'est avec des détails comme ça, au fil de la vie quotidienne, que naît le sentiment que l'État est mal géré », constate Jean-Herman Guay, professeur à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke.

En fait, les services publics ne sont vraiment pas à la hauteur des attentes des Québécois, quand je regarde les résultats d'une étude exclusive réalisée par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke.

Dans l'ensemble, les répondants ont accordé une note d'à peine 5,8 sur 10 aux services qu'ils reçoivent des différents ordres de gouvernement. Ouch ! On frôle la note de passage, signe que la population est désabusée de la fonction publique.

« Les fonctionnaires doivent regagner la confiance du public. C'est un grand défi. Il faut redonner les lettres de noblesse aux fonctionnaires. Aujourd'hui, un fonctionnaire, on ne veut pas présenter ça à ses parents ! » blague Antoine Genest-Grégoire, professionnel de recherche de la Chaire.

***

Sans surprise, ce sont les routes qui obtiennent la pire note, suivies de près par les CHSLD et les hôpitaux. Selon moi, les Québécois n'en ont pas tant contre les professionnels qui travaillent d'arrache-pied dans le réseau de la santé, mais plutôt contre l'accessibilité, les infrastructures et l'administration du réseau.

À l'opposé, les parcs sont le service public dont les Québécois se disent les plus satisfaits. Différents services en relation avec la famille ou la jeunesse (universités, écoles, garderies, allocations familiales, assurance parentale) figurent aussi parmi les services les plus appréciés.

Il faut dire que le Québec est un véritable paradis pour les familles, qui ont accès à des services peu coûteux tout en recevant de généreux transferts fiscaux.

Mais quand on regarde les résultats d'un peu plus près, on constate que le niveau d'appréciation des services publics est influencé par la nature même des services.

Si les Québécois sont heureux de leurs parcs, c'est qu'il s'agit de lieux associés au plaisir, plutôt que d'un service où on se retrouve par nécessité. À l'inverse, quand on aboutit à l'hôpital, ce n'est généralement pas une bonne nouvelle. Idem pour l'aide sociale, l'assurance emploi ou les soins de longue durée, qui sont les services les plus mal-aimés.

« La nature même des services fait qu'ils vont être appréciés différemment. Par exemple, tout le monde est content de voir arriver les pompiers, parce qu'ils vont sauver notre vie ou notre maison. Il n'y a pas beaucoup d'insatisfaction face aux pompiers, alors qu'il y en a beaucoup plus face aux policiers, surtout s'ils viennent de vous arrêter », explique M. Genest-Grégoire.

***

Cela dit, les Québécois sont très cohérents. Leurs réponses au sondage sont parfaitement en phase avec les résultats des dernières élections.

Au provincial, les libéraux ont subi une des pires défaites de leur histoire, alors que le parti était mené par des médecins. La population n'a certainement pas digéré la substantielle augmentation de salaire accordée aux médecins, alors que la qualité des services de santé demeure un grand sujet de frustration, comme le démontre le sondage.

Le discours de la Coalition avenir Québec (CAQ) au cours de la dernière campagne électorale faisait écho aux plus grandes insatisfactions des Québécois, constate Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire.

Avec son concept de « maison des aînés », la CAQ a apporté une solution de rechange aux CHSLD, dont la population est particulièrement insatisfaite. Aussi, la CAQ a mis l'accent sur le prolongement de plusieurs autoroutes et la construction d'un troisième lien entre Québec et Lévis, des promesses qui faisaient écho au profond mécontentement des citoyens par rapport aux routes.

D'ailleurs, sur la scène municipale, Valérie Plante est aussi parvenue à détrôner Denis Coderre en tablant sur le ras-le-bol des Montréalais face aux cônes orange, qui sont devenus l'emblème de la congestion chronique de la métropole.

À voir, maintenant, si les nouvelles administrations sauront offrir des services plus satisfaisants aux citoyens. Le nouveau président du Conseil du Trésor, Christian Dubé, promet de réduire la bureaucratie sans affecter les services à la population.

Dans quelques années, une prochaine mouture du sondage permettra de voir si les Québécois ont une meilleure perception des services publics ou s'ils sont d'éternels insatisfaits.