Beaucoup de nobles intentions, peu de mesures concrètes. Le troisième budget de Bill Morneau ne révolutionnera pas la vie des contribuables, encore moins au Québec.

Plusieurs propositions dévoilées hier sont directement inspirées de programmes qui existent déjà chez nous. Y'a un p'tit peu de nous autres là-dedans, comme disait l'ancien slogan de la soupe Habitant.

Tant mieux si le reste du Canada peut s'inspirer de nos pratiques exemplaires. Mais d'un point de vue québécois, il est difficile d'être débordant d'enthousiasme face à de «nouvelles» mesures dont les citoyens bénéficient déjà depuis longtemps.

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C'est le cas du nouveau congé de cinq semaines, à prendre ou à laisser, qui sera accordé par Ottawa aux pères qui veulent s'occuper de leur nouveau-né. Les mères auront toujours droit aux mêmes 35 semaines qu'elles peuvent aussi partager avec leur conjoint.

Ce concept est pratiquement calqué sur le modèle du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP).

Toutefois, le régime fédéral sera plus flexible, car il permettra aussi aux conjoints de même sexe d'obtenir le congé additionnel de cinq semaines. Voilà une idée qui mériterait de faire son chemin au Québec.

Avec ce nouveau congé, Ottawa veut encourager les pères à s'impliquer davantage auprès de leur tout-petit. Et ça marche! Au Québec, 80% des nouveaux pères ont demandé des prestations parentales, en raison du congé qui leur était réservé, alors que dans le reste du Canada, à peine 12% des hommes s'absentent du boulot.

Mais pour les Québécois, l'annonce d'hier n'aura aucun impact. Cela n'apportera même pas d'argent frais au RQAP, qui est financé à partir des cotisations salariales des employés et des employeurs.

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Pour mettre en place sa future politique d'équité salariale, Ottawa a aussi l'intention d'étudier les modèles mis en place au Québec et en Ontario. Le budget d'hier a fait grand cas de l'égalité entre les sexes. À juste titre. Comment ne pas s'offusquer de l'écart salarial qui persiste entre les hommes et les femmes?

Ottawa veut mettre en place une réforme qui assurera que les employés des entreprises relevant de la compétence fédérale reçoivent une rémunération égale pour un travail de valeur égale, en moyenne. Mais pour l'instant, rien n'est encore ficelé.

Ottawa va aussi piger dans le modèle québécois pour offrir davantage de places en garderie, même si les sommes consenties demeurent bien en dessous des besoins.

Le fédéral a aussi annoncé la création d'un conseil consultatif visant la mise en oeuvre d'un régime d'assurance médicaments national, à l'image de celui qui existe depuis belle lurette au Québec.

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En fait, la bonification de l'Allocation canadienne pour le travail (qui remplace l'ancienne Prestation fiscale pour le revenu de travail) est la seule mesure significative qui aura un véritable impact pour les particuliers du Québec.

En 2016, Ottawa avait déjà annoncé un ajout de 250 millions par année dans ce programme à partir de 2019. Dans son dernier énoncé budgétaire, il avait consenti 500 millions de plus au programme, dont l'enveloppe est présentement de 1,2 milliard.

Et dans son budget d'hier, Ottawa a décidé de rendre l'adhésion automatique à l'Allocation, qui échappe à plus d'un bénéficiaire sur dix. Excellente initiative!

Tant qu'à offrir des cadeaux, il faut s'organiser pour que tout le monde y ait accès, surtout quand on cible une clientèle plus vulnérable. Le nouveau mécanisme devrait permettre de verser 200 millions de plus par année.

Mais pour l'instant, il est impossible de quantifier l'impact concret de ces bonifications sur un bénéficiaire type au Québec. Chez nous, les paramètres du programme fédéral sont différents de ceux du Canada, ce qui permet un meilleur arrimage avec la Prime au travail, un crédit similaire versé par Québec.

Mais il est clair que ces deux programmes, créés au milieu des années 2000, donnent déjà un bon coup de main aux gens qui veulent s'extraire du piège de l'aide sociale.

Au tournant du millénaire, un couple bénéficiaire de l'aide sociale dont l'un des conjoints décidait de retourner travailler pour gagner environ 17 000 $ par année ne conservait que le tiers de ses revenus d'emploi. Aujourd'hui, il en garde plus de la moitié, grâce aux deux primes combinées qui lui procurent près de 4000 $ par année, évalue Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke.

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Parlant d'adhésion automatique, Ottawa a aussi entrepris des démarches avec l'Ontario pour permettre à tous les enfants de familles qui ne roulent pas sur l'or d'obtenir le Bon d'études canadien.

Présentement, les deux tiers des enfants qui ont droit à ce cadeau de 2000 $ ne vont pas le chercher, de sorte que 1,8 million d'enfants sont privés de leur dû. Quel dommage!

Le Bon permet aux familles à revenus modestes d'obtenir 500 $ par enfant en ouvrant un Régime enregistré d'épargne-études (REEE), sans même avoir à y cotiser. Par la suite, le fédéral ajoute 100 $ par année pendant 15 ans si la famille est encore admissible.

Il est toujours possible d'obtenir le Bon rétroactivement. Mais pour profiter pleinement des rendements sur les Bons, les parents devraient ouvrir un REEE dès la naissance de leur enfant.

C'est exactement ce que l'Ontario veut faire en intégrant le processus d'ouverture du REEE au service d'enregistrement des naissances. Cette idée est tellement logique que je ne comprends pas pourquoi toutes les provinces ne font pas de même.

Qu'est-ce que Québec attend pour imiter le voisin?