Client d'une grande banque, Francis est dans le noir le plus complet. Il ne sait pas combien son portefeuille lui rapporte. Il n'a aucune espèce d'idée des frais que sa conseillère financière exige pour gérer son argent. « J'ai un peu et même plutôt beaucoup honte », m'avouait, l'automne dernier, le client penaud.

Si cela peut le consoler, Francis est loin d'être le seul épargnant à flotter dans les limbes. Plus du tiers des Canadiens (36 %) s'imaginent qu'ils ne paient aucuns frais pour la gestion de leurs placements, et 11 % n'en sont pas trop sûrs, d'après un sondage réalisé par la banque virtuelle Tangerine l'été dernier.

Désolée de briser vos illusions, chers investisseurs, mais les institutions financières ne font pas dans le bénévolat ! Des frais, elles en imposent. Toujours. Reste à savoir combien...

Ça tombe bien, car d'ici quelques jours, vous devriez recevoir votre état de compte pour 2016. Ouvrez-le ! Il renferme de l'information nettement plus intéressante que par le passé.

Désormais, votre conseiller doit vous fournir deux rapports annuels qui présenteront la performance de votre portefeuille et les frais qu'il a prélevés. Cela vous permettra de mieux apprécier la valeur de ses conseils et de déterminer si vous en avez pour votre argent.

LA PERFORMANCE

Comment devriez-vous interpréter ces précieux renseignements ? Parlons d'abord des rendements...

Comme 2016 a été faste, vos rendements devraient être enthousiasmants. Mais tout est relatif. Pour savoir si votre conseiller a fait du bon boulot, il faut comparer vos rendements à des indices de référence appropriés.

Disons que votre fonds d'actions canadiennes a livré un rendement de 10 % l'an dernier. Pas mal, à première vue. Mais en réalité, cette performance n'arrive pas à la cheville de celle de l'indice de la Bourse canadienne, qui a grimpé d'un peu moins de 20 % en 2016, en incluant les dividendes.

En passant, il faut absolument utiliser le « rendement total » de l'indice, qui inclut les dividendes, car ceux-ci peuvent rapporter facilement 2,5 % par an à eux seuls.

Pour comparer des pommes avec des pommes, il faut aussi trouver un indice qui investit dans la même catégorie d'actifs (ex. : actions, obligations) et la même région (ex. : Canada, États-Unis, Europe, etc.) que vos placements.

Pour les indices étrangers, portez attention à la devise. Certaines années, les taux de change font une énorme différence.

Si l'exercice révèle que votre portefeuille a sous-performé l'an dernier, ne jetez pas automatiquement votre conseiller par-dessus bord. Sur une courte période, ça peut arriver. Tout est une question de style. Par exemple, un gestionnaire plus prudent fera mieux lorsque le marché tourne au vinaigre et moins bien quand il monte en flèche.

Donnez la chance au coureur. Et attardez-vous aux rendements à plus long terme (ex. : 3 ans, 5 ans, 10 ans) qui devraient aussi figurer sur votre nouveau rapport.

LES FRAIS

Votre nouveau relevé de compte présentera aussi tous les frais que vous avez payés directement à votre institution financière durant l'année (frais administratifs, honoraires, commissions sur des transactions, etc.), ainsi que toutes les sommes qu'elle a reçues indirectement, comme la commission de maintien que lui verse chaque année la société de fonds communs dont vous détenez des parts.

Les investisseurs qui pensent que leurs fonds sont gratuits vont avoir toute une surprise quand ils s'apercevront que leur conseiller touche environ 1 % de leurs actifs par année (ex. : 1000 $ pour un portefeuille de 100 000 $).

Mais ce n'est qu'une partie de la facture. Au total, les fonds communs de placement coûtent environ 2,25 % par an (ex. : 2250 $ pour 100 000 $), ce qui inclut la commission de maintien, mais aussi d'autres éléments (frais de gestion, de marketing, etc.) qui ne figureront malheureusement pas sur votre nouveau rapport.

De leur côté, les courtiers qui gèrent eux-mêmes le portefeuille de leurs clients en échange d'honoraires exigent jusqu'à 1,75 % pour un portefeuille équilibré de 250 000 $, 1,5 % pour un demi-million et 1,2 % pour 1 million.

Mais les frais seront plus faibles si le portefeuille est davantage en revenus fixes ou si le gestionnaire utilise des fonds communs ou des fonds négociés en Bourse qui ont leurs propres frais de gestion.

Cette facture est-elle raisonnable ? Comme vous verrez désormais les coûts exprimés en dollars sonnants et trébuchants (pas juste en pourcentage), vous serez à même de comparer la rémunération de votre conseiller avec celle d'autres professionnels, comme un avocat ou un dentiste.

Un bémol : votre conseiller n'empoche pas tous les frais puisque sa firme, qui assume une bonne partie des coûts administratifs, lui remet seulement de 40 à 55 % du pactole, davantage dans les plus petites firmes.

Pour déterminer si vous en avez pour votre argent, il faut aussi tenir compte du service et de la performance de votre conseiller.

Il mérite peut-être sa paie haut la main s'il vous procure des rendements supérieurs à ceux des indices, s'il vous prépare un plan de retraite détaillé et s'il vous fournit des conseils fiscaux, successoraux, etc.

Par contre, si votre conseiller n'apporte aucune valeur ajoutée dans votre portefeuille, s'il ne vous téléphone qu'une fois par année pour votre cotisation REER et qu'il n'a jamais de réponses à vos questions, il est peut-être temps d'aller voir ailleurs.