Quand vous achetez une maison, pas besoin de payer le courtier immobilier qui vous épaule. Celui-ci est rémunéré indirectement par le courtier du vendeur qui doit partager sa commission avec lui. Je gage que vous le saviez.

Mais vous serez peut-être surpris d'apprendre que votre courtier peut recevoir d'autres commissions par la bande. Par exemple, lorsqu'un courtier immobilier recommande un acheteur à une institution financière, celle-ci lui remet une commission d'environ 0,5 % du montant de l'hypothèque en guise de remerciement.

Mine de rien, ce « petit » 0,5 % peut se traduire par de généreuses ristournes, quand on sait que la maison unifamiliale moyenne vaut maintenant plus d'un demi-million à Montréal.

Imaginez : si vous contractez une hypothèque de 400 000 $, le courtier immobilier recevra 2000 $. Juste pour avoir refilé votre nom au démarcheur hypothécaire d'une banque. Ça fait beaucoup d'argent.

Vous me direz que les courtiers hypothécaires sont payés encore plus cher. C'est vrai. Les institutions financières leur versent autour de 1 % de la valeur de l'hypothèque, plus un boni à l'efficacité de 0,05 à 0,2 % (en passant, certains courtiers hypothécaires versent eux aussi une commission aux courtiers immobiliers qui leur refilent un client).

Mais la différence, c'est que le courtier hypothécaire fait un véritable acte de courtage. Après avoir analysé le dossier de crédit et les besoins du client, il détermine l'hypothèque la mieux adaptée (et Dieu sait qu'il existe une grande variété de produits).

Puis, il dirige le client vers l'institution financière offrant les meilleures conditions.

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Comme le client ne paie rien de sa poche pour les services du courtier hypothécaire, il doit bien se douter que le courtier est rémunéré par le prêteur. D'ailleurs, le courtier hypothécaire est obligé de le divulguer à son client.

C'est aussi le cas des courtiers immobiliers. La Loi sur le courtage immobilier les oblige à informer leurs clients par écrit des commissions qui leur sont versées par des tiers : notaire, peintre, déménageur, prêteur hypothécaire...

Mais encore faut-il que le client soit informé AVANT de prendre la décision d'aller consulter l'institution financière référée.

Or, dans la pratique, le formulaire de divulgation est souvent présenté à l'acheteur à la toute fin du processus lorsque le client signe son hypothèque. Et c'est le représentant de la banque qui s'occupe de faire signer le document qui est ensuite remis au courtier pour ses dossiers.

La divulgation arrive donc trop tard. Pour le client, il n'est plus temps de revenir en arrière.

Et de toute façon, le document de divulgation risque de passer inaperçu, car il est présenté à travers une pile d'autres documents complexes. Rendu là, le client est beaucoup plus préoccupé par son taux d'intérêt et ses mensualités que par n'importe quoi d'autre.

C'est sans compter que le formulaire de divulgation, écrit dans un langage assez vague, n'informe le client qu'à moitié.

S'il se penche vraiment sur le formulaire de « divulgation d'entente de rétribution », l'acheteur attentif réalisera peut-être que la banque verse une commission à son courtier. Mais il ne connaîtra jamais la somme, ni en pourcentage ni en dollars sonnants et trébuchants.

Je parie que certains clients tomberaient en bas de leur chaise, s'ils apprenaient que la ristourne se chiffre en milliers de dollars.

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Je sais bien que les références et les ristournes sont monnaie courante dans le monde professionnel : un cadeau de Noël en guise de remerciement, une invitation dans un grand restaurant pour tisser des liens, un chèque pur et simple...

Mais en tant qu'organisation vouée à la protection du public, l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) a une réflexion à faire sur les ristournes versées aux courtiers immobiliers.

« C'est un modèle d'affaires qui ne favorise pas le public », estime justement Pierre Martel, vice-président exécutif et chef des opérations chez le courtier hypothécaire Multi-Prêts et membre du C.A. de l'OACIQ où il représente le secteur hypothécaire.

D'ailleurs, l'OACIQ reconnaît que ce système soulève un enjeu éthique. « Si un courtier reçoit un avantage lorsque son client fait affaire avec une institution financière vers laquelle il l'a spécifiquement dirigé, il se retrouve en potentielle situation de conflit d'intérêts, car c'est à son avantage que le client transige avec cette institution plutôt qu'une autre », m'a indiqué la porte-parole, Marie-Ève Bellemare-Tessier.

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Les courtiers immobiliers répliqueront que le client n'est pas pénalisé, que la commission ne fait pas grimper le taux d'intérêt consenti par la banque.

À mon avis, il n'y a rien comme un petit brin de magasinage pour s'assurer d'avoir le meilleur taux. Que vous fassiez l'exercice vous-même ou avec un courtier hypothécaire, ça vaut la peine, car il y a un écart incroyable entre les taux affichés par les banques et les meilleurs taux négociés.

Pour un terme de cinq ans, par exemple, les banques affichent présentement un taux d'environ 4,75 %. Vous pensez peut-être qu'on vous fait un cadeau en vous accordant un taux de 3 %. Mais en réalité, il est possible d'obtenir un taux inférieur à 2,4 %, en ce moment.

Sur cinq ans, cela fait des milliers de dollars de plus dans vos poches.

Ne passez pas à côté !