Quel début d'année à glacer le sang ! On dirait que les marchés financiers font un tour de Krazy Karpet. Ça descend vite en titi, sans contrôle et sans frein.

Quel début d'année à glacer le sang ! On dirait que les marchés financiers font un tour de Krazy Karpet. Ça descend vite en titi, sans contrôle et sans frein.

Cette semaine, la plupart des grands marchés boursiers de la planète ont glissé dans un marché baissier, caractérisé par un recul de plus de 20 %.

Le pétrole « a piqué toute une fouille », se retrouvant même sous la barre des 27 $US le baril pour la première fois en 13 ans.

Et que dire de la chute libre du huard qui n'a jamais perdu 23 % depuis deux ans, atterrissant près des 68 cents US cette semaine, pour la première fois depuis 2003 ?

La glissade du dollar aura un impact considérable dans votre portefeuille. Les consommateurs devront se serrer la ceinture.

Déjà l'an dernier, la faiblesse du huard a fait bondir le prix du panier d'épicerie (+ 4 %), plus particulièrement des fruits et légumes (+ 10 %). Et les prix pourraient grimper de 4 % de plus en 2016, prédit le Food Institute de l'Université de Guelph.

Mais l'inflation ne se limitera pas à l'épicerie. Électronique, jouet, vêtement, les prix n'ont pas fini de monter. Plusieurs biens de consommation ne reflètent pas encore le véritable taux de change, comme j'ai pu le constater en comparant des produits identiques chez le même détaillant, des deux côtés de la frontière.

Avec le taux de change actuel, les prix canadiens devraient être environ 45 % plus élevés qu'aux États-Unis. Pourtant, le iPad mini qui se détaille 441 $ au Canada coûte seulement 10 % de plus qu'aux États-Unis (400 $). Si on convertissait le prix de vente américain en dollars canadiens, l'appareil coûterait 582 $CA, soit environ un tiers de plus que son prix actuel.

Autre exemple : le Lego Star War Tie Fighter des forces spéciales du premier ordre qu'on retrouve à 89 $CAN, coûte 70 $US sur le site internet américain du même détaillant. En dollars canadiens, cela représente 102 $, soit 15 % de plus que le prix actuel (voir onglet 3).

Comme il paraît loin le temps où les Canadiens armés d'un dollar à parité allaient faire des emplettes aux États-Unis pour profiter des bas prix...

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Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ainsi, l'ascension de la plupart des devises étrangères par rapport au huard, l'an dernier, a donné des ailes aux Canadiens qui ont des placements hors du pays.

Les Canadiens qui ont eu le flair d'acheter une maison à Miami autour de 2011 ont carrément doublé leur mise, parce que les prix de l'immobilier ont remonté, mais aussi parce que le billet vert a repris du poil de la bête par rapport au dollar canadien.

Les investisseurs ont aussi été gâtés. L'an dernier, l'appréciation des devises étrangères face au huard a sauvé leur portefeuille. Même si le S&P 500 a fait du sur-place en 2015, l'indice phare de la Bourse américaine a livré un rendement de 19 % en dollars canadiens, en ajoutant l'appréciation du billet vert.

La plupart des catégories de fonds communs de placement qui investissent à l'étranger ont grimpé de 10 à 20 %, ce qui a permis de compenser la baisse de 6 % des fonds d'actions canadiennes.

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Que faire maintenant ? Où s'en va le huard ? Faut-il ajuster votre portefeuille ?

Certains prédisent que le dollar canadien pourrait défoncer son plancher historique de 61,80 cents US atteint en 2002.

« Le marché des devises est reconnu pour aller trop loin et il est probable que le huard reste sous pression jusqu'à ce que le prix du pétrole touche le fond, ce que nous ne prévoyons pas avant le deuxième trimestre », dit Douglas Porter, économiste en chef du Groupe financier BMO.

De son côté, Stéfane Marion, économiste et stratège en chef à la Banque Nationale, trouve que la chute du huard est exagérée. Selon lui, le huard est détraqué et sous-évalué de 16 % par rapport à sa juste valeur.

Or, un éventuel rebond du huard minerait le rendement des investisseurs qui ont des placements en devises étrangères. Pour eux, le moment est-il venu de se couvrir contre les risques de change ?

De nombreux fonds négociés en Bourse (FNB) offrent une version couverte contre les fluctuations des devises, souvent pour le même prix. Pour les fonds communs de placement, certains sont toujours couverts, d'autres non, et d'autres enfin laissent au gestionnaire le choix de couvrir ou pas la devise de façon tactique. Il suffit de choisir celui qui correspond à vos objectifs.

Des experts vous diront que ce n'est pas la peine de protéger son portefeuille contre les fluctuations des monnaies, car le jeu des devises s'équilibre à long terme. Je veux bien. Mais à court terme, la devise peut miner sérieusement vos rendements.

D'autres experts vous conseilleront de ne pas changer votre stratégie de couverture de change au gré des fluctuations du huard. Cela reviendrait à faire du « market timing », un jeu souvent dangereux. J'en conviens. Mais si tous vos placements étrangers sont présentement à découvert, vous serez peut-être tenté de vous couvrir un peu, puisque le dollar est à un creux.

Mais ne perdez pas de vue que les devises apportent une diversification très utile dans votre portefeuille. Lors de la crise du crédit, par exemple, la forte remontée du dollar US a permis aux investisseurs canadiens d'esquiver une partie de l'effondrement de la Bourse américaine.

Bref, vous pouvez couper la poire en deux, avec une partie couverte et l'autre non. Et pourquoi ne pas utiliser vos nouvelles contributions pour ajuster le tir, plutôt que de chambarder votre portefeuille, en vendant et en rachetant d'autres titres, ce qui entraînerait des coûts transactionnels et fiscaux ?