Le roi des vacances à temps partagé au Québec n'apprécie guère la pression.

Jean-Sébastien Monette, président du Groupe Laro Alta (Vacances Toutes Saisons), qui s'est souvent fait accuser d'utiliser des techniques de vente agressives, n'en menait pas large au cours de la conférence de presse organisée en toute hâte, hier, pour se défendre contre les attaques de mes collègues du Journal de Montréal des derniers jours.

Vacances Toutes Saisons s'adresse aux consommateurs qui participent à des concours lors des salons ou des festivals. Pour obtenir leur forfait d'hébergement gratuit dans un lieu de villégiature, les gagnants acceptent d'assister à une présentation sur les vacances à temps partagé (time-sharing).

Un vendeur aguerri leur propose alors d'acheter des points qui leur permettront de faire des voyages un peu partout dans le monde, chaque année. Certains consommateurs versent ainsi quelque 10 000$ pour un engagement de 39 ans! Sans compter les frais annuels d'environ 700$.

S'ils ont des remords le lendemain, il est trop tard pour revenir en arrière. S'ils veulent annuler après quelques années, c'est la croix et la bannière.

Mais pour M. Monette, il est faux de prétendre que son entreprise croule sous les plaintes. Il en veut pour preuve que l'Office de la protection du consommateur (OPC) n'a envoyé à ses entreprises que six mises en demeure depuis le début de l'année.

Peut-être, mais depuis deux ans, l'OPC a reçu 70 plaintes contre Laro Alta, la majorité pour pratiques trompeuses ou déloyales.

En 2012-2013, l'entreprise avait même été la championne des plaintes à l'OPC, toutes catégories confondues. Pire que Bell, qui compte pourtant des millions de clients au Canada. Il faut le faire!

En 2013, l'OPC avait d'ailleurs servi 317 chefs d'accusation au Groupe Laro Alta et à des entreprises et personnes reliées, ce qui pourrait leur valoir des amendes de plus de 462 000$. L'affaire se retrouvera devant les tribunaux en avril 2016.

Prochainement, la présidente de l'OPC interviendra dans deux dossiers de consommateurs, ce qu'elle a le pouvoir de faire pour s'assurer que le tribunal a toute l'information nécessaire pour trancher une question d'intérêt public.

M. Monette, qui a acheté l'entreprise en juin 2012, réplique que tous ces problèmes sont de l'histoire ancienne et découlent de l'administration précédente.

Il jure qu'il ne fait pas de vente sous pression. Pourtant, devant les petites créances, des dizaines de clients frustrés racontent qu'on les a poussés à signer sur-le-champ: musique trop forte, manque de temps pour lire le contrat et réfléchir avant de le signer.

Le problème, c'est que la vente sous pression n'est pas illégale. Il n'y a pas un mot là-dessus dans la Loi sur la protection du consommateur (LPC), ni dans le Code civil du Québec.

Et contrairement à ce que plusieurs consommateurs s'imaginent, il n'y a rien non plus dans la loi qui permet d'annuler un contrat si on est pris de remords quelques jours après l'avoir signé (sauf exception).

Voilà pourquoi les clients qui réclament l'annulation de leur contrat de vacances à temps partagé perdent leur cause aux petites créances, la plupart du temps.

Pour regagner la confiance des consommateurs, le Groupe Laro Alta a annoncé, hier, qu'il va modifier tous ses contrats pour prévoir une possibilité d'annulation, sans pénalité. Mais ne sautez pas de joie trop vite. Le Groupe s'engage seulement à annuler les frais annuels (ex.: 700$), mais pas le montant versé au départ (10 000$).

Cette modification ne fera pas une si grosse différence car, dans les faits, l'entreprise ne poursuivait pas si souvent les clients qui cessaient de payer leurs frais annuels.

Si l'entreprise veut réellement restaurer la confiance du public, elle devrait offrir aux clients une véritable période de réflexion. Elle devrait leur permettre d'annuler leur contrat dans un délai de 10 jours, sans poser aucune question, comme les vendeurs itinérants qui se présentent à votre porte sont forcés de le faire.

Si M. Monette croit autant à son produit qu'il l'affirmait hier, cela ne devrait pas lui faire peur. Quand un commerçant sait que son produit est bon, il n'a pas besoin d'enchaîner les clients pour qu'ils restent.

Mais ce n'est pas l'intention de M. Monette. Pour lui, le contrat est exécutoire. Pas question de faire marche arrière.

Ironiquement, l'homme d'affaires avoue qu'il aurait bien aimé être remboursé pour l'achat de Laro Alto, une transaction qui a fait l'objet de poursuites croisées devant les tribunaux. À l'issue du procès qu'il a perdu sur certains points et gagné sur d'autres, M. Monette n'a reçu que 30 000$. Il en veut toujours au vendeur qui lui a refilé un tas de problèmes et de plaintes.

- Si vous aviez pu annuler cette transaction, est-ce que vous l'auriez fait? lui ai-je demandé.

- Oui. Si je pouvais récupérer mon argent et redonner l'entreprise à ce monsieur-là, je le ferais, m'a-t-il candidement répondu.

Mais ne comptez pas sur lui pour offrir à ses clients la possibilité d'annuler leur contrat.

Heureusement, l'OPC soumettra bientôt à la ministre de la Justice des propositions pour encadrer l'industrie des vacances à temps partagé, comme c'est déjà le cas dans plusieurs provinces (Ontario, Alberta, Colombie-Britannique, etc.). Voilà qui ferait le plus grand bien!