Pour les contribuables qui se sont battus contre l'artillerie lourde du fisc, le départ du patron de Revenu Québec est un peu la revanche de David contre Goliath.

En effet, on a appris lundi que le président-directeur général de Revenu Québec, Gilles Paquin, avait démissionné. Nommé en 2012, il prendra sa retraite d'ici la fin de 2015, après presque 30 ans dans la fonction publique, notamment comme sous-ministre des Finances.

De plus, Québec serait sur le point de nommer au conseil d'administration de Revenu Québec l'ancienne ministre libérale Michelle Courchesne ainsi qu'Alan A. Katiya, selon La Presse Canadienne.

Ce dernier possède une expérience des deux côtés de la clôture, puisqu'il a travaillé à la fois dans le privé chez KPMG et à l'Agence du revenu du Canada (ARC). On peut donc penser qu'il aura une bonne compréhension des enjeux du milieu des affaires et une approche un peu plus conciliante, comme à l'ARC.

Mais au-delà de ces changements à la haute direction de Revenu Québec, il faut surtout se réjouir de la volonté de Québec d'implanter un véritable changement de culture au fisc.

Cela fait des années que la protectrice du citoyen dénonce les pratiques trop agressives de Revenu Québec.

Dans son dernier rapport, en septembre dernier, Raymonde Saint-Germain a constaté que l'attitude du fisc envers les contribuables s'était encore durcie. Avis de cotisation erronés fondés sur de simples présomptions. PME accusées par association. Les abus du fisc s'accumulent.

Assez, c'est assez, a tranché le ministre des Finances Carlos Leitao. Fortement interpellé par les constats de la protectrice, il a immédiatement convoqué le patron de Revenu Québec pour lui demander de pondre un plan d'action concret pour assurer le respect et l'équité à l'endroit des contribuables. Très bien!

On attendait des nouvelles de ce rapport à la fin de septembre. À la place, voilà que le patron du fisc quitte le bateau. Je vous laisse tirer vos propres conclusions.

Mais le cabinet jure que le rapport sera rendu public cet automne, dès que le ministre en sera satisfait. Il y aurait encore de petits ajustements à faire...

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Les PME ont bien hâte de voir un changement de cap, elles qui sont la cible de récupérations fiscales de plus en plus élevées.

Depuis huit ans, Revenu Québec vient rechercher deux fois plus d'argent dans les poches des contribuables. Si la province peut retrouver l'équilibre budgétaire en pinçant les délinquants fiscaux, tant mieux. Mais si le fisc assomme des PME sans reproche, il risque de décourager l'entrepreneuriat et de nuire à l'économie.

Vous vous souvenez peut-être de l'histoire de Salaison Levesque, que le fisc avait forcée à payer 315 000$ injustement. Je vous ai raconté que l'entreprise a eu gain de cause l'an dernier, après quatre ans de lutte acharnée. Or, sa propriétaire vient de décider de vendre l'entreprise familiale, plutôt que de la transmettre à la prochaine génération. Finis le stress et les nuits blanches à se ronger les sangs.

D'autres ne lâchent pas le morceau. Jean-Yves Archambault, qui est un peu le Claude Robinson de Revenu Québec, est de ceux-là. L'ancien entrepreneur se bat depuis huit ans contre le fisc qui a anéanti sa PME à coups de cotisations abusives, de bourdes incroyables et d'erreurs graves.

L'homme d'affaires a contre-attaqué. Il a poursuivi le fisc en dommages et intérêts. Et il s'attaque maintenant aux bonis qui auraient été versés aux agents du fisc (bonis dont Revenu Québec nie l'existence). Il ne se bat pas pour lui, mais pour l'ensemble des contribuables.

Avec deux autres PME qui se joindront bientôt à sa requête, il veut faire cesser cette pratique de rémunération qui pousserait les agents du fisc à remettre des avis de cotisation gonflés et les placerait en conflit d'intérêts par rapport aux contribuables.

D'ailleurs, le Protecteur du citoyen lui a passé un coup de fil, en septembre, afin de lancer une enquête sur cet enjeu. Impossible d'en savoir davantage, car le Protecteur ne commente jamais les enquêtes en cours.

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Au lieu de taper sur les contribuables, le fisc devrait leur tendre la main.

À l'heure actuelle, le fisc se cantonne dans des «interprétations juridiques rigides» qui entraînent souvent «une judiciarisation inutile des désaccords avec les contribuables», constate la protectrice du citoyen.

Tout cela coûte une fortune en frais d'avocat. Les contribuables qui n'ont pas les moyens de se défendre sont parfois obligés de payer la note, même s'ils ne la jugent pas équitable. D'autres font carrément faillite.

Pourquoi ne pas mettre en place un service de médiation pour résoudre les litiges à meilleurs prix? La Commission d'examen sur la fiscalité québécoise présidée par Luc Godbout avait d'ailleurs retenu l'idée présentée par l'Association de médiation fiscale.

Cette semaine, ce projet de médiation a d'ailleurs obtenu l'appui du Barreau du Québec, qui milite en faveur de la justice participative depuis des années.

De son côté, l'ARC a déjà pris une tangente plus conciliante face aux contribuables, répondant ainsi aux demandes de groupes comme la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI).

Au Québec, il reste encore beaucoup de chemin à faire. Plus d'accompagnement. Plus d'information pour aider les contribuables à se conformer aux règles fiscales, souvent très complexes.

Revenu Québec changera-t-il d'attitude, ou attendra-t-il que ses activités soient confiées à l'ARC, comme l'a proposé la Commission de révision permanente des programmes, au début de septembre?

Le jour même, Revenu Québec s'était empressé de rejeter les conclusions de la Commission, avant que le gouvernement n'ait le temps de donner son opinion... une attitude qui avait royalement déplu au président du Conseil du trésor, Martin Coiteux.