On croyait avoir tout vu en 2014, annus horribilis de l'automobile. Eh bien non! Voilà maintenant que Volkswagen atteint de nouveaux sommets dans la supercherie. Accusé par l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA), le constructeur allemand a admis avoir trompé les Américains au sujet des émissions polluantes de ses véhicules diesels.

Et de quelle manière! Un logiciel caché dans près d'un demi-million d'automobiles vendues aux États-Unis permettait de manipuler les résultats des tests. La Jetta, la Beetle, la Golf, la Passat et l'Audi A3 auraient ainsi été truquées à grande échelle grâce à un algorithme sophistiqué. En réalité, leurs émissions d'oxydes d'azote seraient jusqu'à 35 fois plus élevées que ce que les tests officiels permettaient de déceler.

En matière de tromperie, il faut avouer que c'est fort!

Ce nouveau scandale, découvert un peu par hasard par une ONG et un professeur d'université, démontre à quel point les inspections faites par les agences responsables sont insuffisantes.

«Les données sont fournies par les constructeurs qui font les évaluations eux-mêmes dans leurs propres laboratoires. Si ce n'est pas vérifié par les agences, ça peut mener à des situations fâcheuses», explique Jesse Caron, expert automobile pour CAA-Québec.

Au Canada, c'est encore pire. Depuis des années, les automobilistes doutaient de la valeur réelle des cotes de consommation d'essence des véhicules. Devant leur scepticisme, Ressources naturelles Canada a complètement revu son système d'évaluation cette année.

Les nouvelles cotes sont plus près du terrain que du laboratoire. Elles tiennent compte de vitesses de conduite plus réalistes, de l'utilisation du climatiseur, de freinages et d'accélérations plus brusques. Bref, de la vraie vie.

Résultat: les cotes ont augmenté de 18% en moyenne et même de 22% pour les véhicules hybrides, a calculé CAA-Québec. Ce n'est pas que les véhicules soient plus gourmands. Simplement, les cotes reflètent mieux leur véritable consommation.

Tant mieux. Mais qui dit que les constructeurs respectent les règles?

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Volkswagen n'est pas le premier à se faire pincer pour de fausses allégations à propos de la performance écologique de ses véhicules.

Par exemple, Ford a dû reconnaître que ses véhicules hybrides étaient moins efficaces que promis.

De leur côté, Hyundai et Kia ont dû payer une amende de 300 millions US aux États-Unis, l'an dernier, pour avoir surestimé les économies de carburant de plusieurs de leurs véhicules, comme l'Accent, l'Elantra, le Santa Fe et le Rio. Les deux constructeurs sud-coréens ont également versé près de 400 millions US à leurs clients pour mettre fin à un recours collectif.

Par ailleurs, l'industrie automobile a aussi été secouée par de nombreux scandales entourant des problèmes mécaniques que plusieurs constructeurs ont cachés à leurs clients. L'année dernière, Toyota s'est fait assener une amende record de 1,2 milliard US pour avoir dissimulé un grave défaut à la pédale d'accélération qui a entraîné des morts.

Honda Motors, General Motors, Hyundai ont aussi été mis à l'amende. Tous ces scandales ont prouvé que l'industrie était davantage préoccupée par ses profits que par la sécurité de sa clientèle.

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Dans le cas de Volkswagen, personne n'est mort. La conduite des véhicules ne pose pas de problème de sécurité, même si l'entreprise vient de suspendre la vente des modèles litigieux en Amérique du Nord.

Mais le mal n'en est pas moins grand.

En installant dans tous ses véhicules diesels un logiciel conçu pour tricher, le constructeur allemand a sérieusement ébranlé la confiance de sa clientèle. Dire que Volkswagen avait fait de la protection de l'environnement une priorité stratégique!

Par ses agissements malicieux, Volkswagen ne peut pas être plus loin du discours officiel qu'il tient. «La vérité dans l'ingénierie», qui est le slogan américain de sa marque haut de gamme Audi, paraît aujourd'hui diablement cynique.

Pour Volkswagen qui tentait d'augmenter ses parts de marché aux États-Unis en misant sur le «diesel propre», la pente sera très dure à remonter. Le scandale risque même de nuire aux autres constructeurs allemands qui misaient aussi sur le diesel pour percer le marché américain, où il est beaucoup moins populaire qu'en Europe.

Au pays de l'Oncle Sam, le diesel est encore associé au tracteur de ferme, à tort. Le moteur diesel consomme moins qu'un moteur à essence, ce qui réduit les gaz à effet de serre. Mais il émet davantage de particules fines, quoique ces polluants soient mieux filtrés qu'avant, selon les constructeurs.

Sauf que les consommateurs ont maintenant de bonnes raisons d'en douter.

Réalisant qu'ils se sont fait rouler, les clients sensibles à l'environnement vont-ils continuer de payer la prime de près de 2500$ pour l'achat d'un moteur diesel? Pas sûr.

«Ce n'est pas facile d'être vert», lançait Kermit, la célèbre grenouille de Sesame Street, dans une publicité rigolote d'Audi diffusée pendant le gala des Emmy, la fin de semaine dernière. Volkswagen ne pensait pas si bien dire!