À écouter les derniers discours du Trône et à lire les plus récents budgets, Stephen Harper veut vraiment devenir le meilleur ami des consommateurs.

On peut le comprendre. À l'approche des élections, les initiatives pro-consommateurs sont une aubaine pour le gouvernement qui y voit une façon simple de plaire à l'électorat sans vider les coffres de l'État.

Mais voilà. Après neuf ans de règne, plusieurs des offensives dévoilées en grande pompe par les conservateurs ont fini en queue de poisson.

Dans bien des cas, les conservateurs ont préféré la divulgation à la réglementation. Pensez seulement aux pénalités hypothécaires, un des pires fléaux des services financiers. À cause des entourloupettes des banques, les propriétaires qui doivent déchirer leur hypothèque avant la fin se butent à des pénalités astronomiques, parfois de plus de 10 000 $.

Au lieu de normaliser la méthode de calcul des pénalités, comme ils l'avaient promis en 2010, les conservateurs ont choisi la voie de la transparence. Depuis 2012, les clauses sont un peu moins floues, mais elles restent clairement abusives. Finalement, les propriétaires ne sont guère avancés.

Souvent, les conservateurs ont favorisé les codes volontaires au lieu d'imposer des mesures contraignantes. En 2010, par exemple, ils ont instauré un code de conduite volontaire pour freiner l'escalade des frais imposés aux détaillants par les émetteurs de cartes de crédit. Une facture malsaine de 5 milliards de dollars par année dont les consommateurs finissent par écoper.

Mais ce code n'a rien changé. L'an dernier, Visa et MasterCard ont accepté « de leur propre chef » de réduire leurs frais de 10 %. Une vétille. Les frais qu'ils imposent au Canada restent parmi les plus élevés du monde. Dire qu'Ottawa aurait pu les plafonner comme bien d'autres pays l'ont fait.

Face à d'autres sujets de frustration des consommateurs, le gouvernement Harper a brassé beaucoup d'air pour finalement adopter des « mesurettes ».

Prenez l'épineuse question des écarts de prix entre le Canada et les États-Unis. Après moult consultations et déclarations publiques, Ottawa a accouché d'une souris en 2013 : l'élimination des droits de douane sur les vêtements pour bébés et les équipements sportifs. Mais il est vrai que le hockey est très vendeur au Canada !

Mais ce n'est rien. Dans certains cas, Stephen Harper a carrément agi à l'encontre des intérêts des consommateurs.

Par exemple, il a présidé au dépeçage de l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement (OSBI), ce service gratuit et indépendant qui offre pourtant une belle avenue de résolution de conflit aux clients des banques.

Et en ajoutant une disposition dans la Loi sur les banques prévoyant que le fédéral a les compétences exclusives dans ce domaine, Ottawa a mis des bâtons dans les roues des provinces dont les lois protègent souvent mieux les consommateurs.

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Bien sûr, les conservateurs ont aussi de bons coups à leur actif, à commencer par l'établissement du Code sur les services sans fil en 2013.

Exit les contrats qui menottent les abonnés aux services de téléphonie cellulaire durant plus de deux ans. Finies les factures catastrophiques pour les frais d'itinérance à l'étranger qui sont désormais plafonnés à 100 $ par mois. Pour cela : chapeau !

Le Commissaire aux plaintes relatives aux services des télécommunications (CPRST) s'avère aussi un réel succès, même si les consommateurs étaient plutôt tièdes face à cette création de l'industrie des télécoms en 2007.

Du côté des services financiers, plusieurs petits changements à la pièce ont également assaini l'industrie.

Entre autres, les émetteurs de cartes de crédit n'ont plus le droit de relever la limite de crédit sans l'accord du titulaire. Aussi, les banques doivent maintenant dégeler les chèques déposés par leurs clients plus rapidement, afin d'aider les consommateurs qui ont du mal à joindre les deux bouts.

Dans le transport aérien, il ne faut pas oublier que le fédéral est intervenu pour forcer les compagnies à afficher des prix tout inclus. Plusieurs publiaient des prix ridiculement bas, sans mentionner une foule d'extras, ce qui rendait le magasinage impossible.

Tout cela est très bien ! Mais il reste tant à faire.

À quand une charte des droits des voyageurs ? Je suis toujours sidérée de voir que les transporteurs aériens se permettent de modifier les horaires ou d'ajouter des escales pour des raisons purement commerciales, sans offrir le moindre dédommagement.

À quand un sérieux tour de vis pour les émetteurs de cartes de crédit ? On devrait les empêcher d'offrir des cadeaux pour convaincre les clients d'adopter une nouvelle carte. On devrait aussi ramener à 5 % le paiement minimal que les émetteurs ont discrètement réduit jusqu'à 2 %. À ce compte, il faudra plus de 80 ans pour rembourser un solde de 10 000 $. Et pendant ce temps, l'émetteur empochera près de 50 000 $ d'intérêts. Absurde !

Tant qu'à y être, pourquoi ne pas plafonner les taux d'intérêt qui ne cessent de grimper, même si le taux directeur est au tapis ?

Pourquoi ne pas donner plus de mordant à la Loi sur la concurrence ? Pourquoi ne pas améliorer la protection de la vie privée ? Pourquoi ne pas encadrer les agences de crédit qui tiennent nos vies financières entre leurs mains ?

Bref, ce ne sont pas les idées qui manquent.

Alors, au lieu de s'acharner à vouloir réglementer les valeurs mobilières qui relèvent clairement de la compétence provinciale, Ottawa devrait s'attaquer aux nombreux problèmes de consommation qui se trouvent dans sa cour.