Dans le domaine immobilier, les Québécois sont un peu comme les irréductibles Gaulois qui résistent encore et toujours à la vague de l'assurance titres.

Aux États-Unis, cette assurance est de rigueur à cause du piètre état des registres fonciers qui ne permettent pas toujours de vérifier la qualité des titres de la propriété convoitée.

Mais au Québec, la situation est différente. Un peu comme des démineurs, les notaires examinent et corrigent les titres de propriété avant chaque transaction. Comme les risques qu'une bombe éclate sont beaucoup plus faibles, à peine 15% des transactions sont couvertes par une assurance titres. N'empêche, les fournisseurs d'assurance titres qui se sont installés au Canada au début des années 90 militent en faveur d'un recours plus étendu à leurs produits... au grand dam des notaires.

Au début de la semaine, la firme FCT, chef de file de l'industrie, publiait les résultats d'une recherche dans la jurisprudence visant à démontrer la pertinence de l'assurance titres. «Il y a plein de transactions qui sont problématiques», assure Frédéric Allali, avocat chez Allali Brault, qui a produit la recherche.

Voici un exemple à faire dresser les cheveux sur la tête.

Un jeune couple achète un terrain à la campagne qui vient d'être divisé en trois lots pour y bâtir sa première maison. Après la transaction, la Ville l'informe que le terrain n'est pas assez grand pour permettre la construction. Puis, coup de théâtre: un autre fonctionnaire annule l'avis et confirme au couple qu'il peut construire. Mais à cause de ces tergiversations, plus d'un an s'est écoulé. Après ce délai, le terrain redevient automatiquement agricole. Trop tard pour bâtir!

«Malgré le fait que les notaires sont méticuleux, malgré le fait que nos registres fonciers sont plus fiables, il reste encore des situations où les consommateurs se retrouvent dans une situation difficile où ils doivent entreprendre des procédures longues et coûteuses», explique Laurent Nadeau, chef de la direction de FCT au Québec.

L'entreprise fait du lobbying pour que les notaires soient obligés de parler de l'assurance titres à tous leurs clients avant de procéder à une transaction immobilière. Présentement, les notaires le recommandent seulement lorsqu'ils le jugent souhaitable, ce qui paraît raisonnable puisqu'ils sont les seuls spécialistes impartiaux dans une transaction immobilière.

Mais en Ontario, les juristes qui procèdent aux transactions ont l'obligation de parler d'assurance titres aux acheteurs (mais pas dans les autres provinces). Comme la plupart acceptent, plus de 90% des transactions sont couvertes par ce type d'assurance.

Faudrait-il en faire autant au Québec? Devriez-vous prendre une telle assurance?

«L'assurance titres, c'est bon dans certains cas, mais c'est loin d'être bon dans tous les cas», répond François Brochu, professeur titulaire à la faculté de droit de l'Université Laval.

Par exemple, l'assurance est indiquée lorsque l'examen des titres fait ressortir un problème qui ne peut être corrigé sur-le-champ (ex.: une succession qui n'a pas été achevée adéquatement, ce qui fait en sorte que l'un des héritiers pourrait revendiquer des droits sur la maison). L'assurance permettra alors de conclure la transaction sans délai, tout en protégeant l'acquéreur.

L'assurance titres est aussi très pertinente si vous achetez une maison neuve. Les sous-traitants qui ont travaillé sur le chantier peuvent inscrire une hypothèque légale sur votre maison si l'entrepreneur ne les a pas payés. La dette vous retombera sur les épaules, même si c'est très injuste.

L'assurance titres est aussi fort répandue lorsque les propriétaires refinancent leur maison pour obtenir un prêt plus élevé. La banque exige alors un nouveau certificat de localisation, ce qui peut coûter entre 400 et 800$.

Mais elles offrent aussi la possibilité de prendre une assurance titres qui coûte généralement moins cher. Pour une maison de moins de 500 000$, la prime oscille autour de 250 à 300$.

Mais l'assurance titres pourrait aussi être utile dans d'autres situations impossibles à prédire au moment de la transaction, avance FCT.

Par exemple, un propriétaire peut se retrouver dans de beaux draps à cause d'une servitude non dévoilée ou de la non-conformité à un règlement de zonage.

Voici un beau cas. Le propriétaire d'une maison de campagne a découvert, après 20 ans, que sa fosse septique était située sur le terrain de son voisin. Pressé de vendre sa propriété, il a racheté la parcelle de terrain, pour ensuite poursuivre le propriétaire qui la lui avait vendue à l'époque. Mais le tribunal ne lui a rien accordé, jugeant qu'il n'avait pas utilisé le bon recours.

Pour que les acheteurs aient la paix d'esprit, FCT estime que le recours à l'assurance titres devrait être élargi. Surtout que la prime n'est pas très coûteuse.

Mais un recours généralisé à l'assurance titres risque d'entraîner une baisse de la qualité des titres. Et finalement une augmentation de la prime d'assurance, craint M. Brochu. «Mieux vaut prévenir que guérir», dit-il.

Après la réforme cadastrale que Québec est en train de terminer, pourquoi ne pas mieux intégrer les servitudes sur le registre? Pourquoi ne pas faire un grand ménage des règles de zonage afin que les gens puissent s'y retrouver? Pourquoi ne pas améliorer les méthodes d'identification utilisées par les notaires pour réduire les risques de fraude immobilière?

Mais ne vous faites pas d'illusions. Ces réformes auront un coût. Déjà, les frais d'inscription au registre foncier ont grimpé de 18$ à 115$ depuis 30 ans. Et les notaires n'ont pas le choix de faire payer la facture aux clients.