Cela fait plus de cinq ans que je dénonce les fournisseurs de télécommunications qui menottent leurs clients avec des frais de rupture de contrat. Ça y est! Victoire! La Cour supérieure vient de l'écrire en toutes lettres: ces frais sont excessifs et abusifs.

Vendredi dernier, Rogers Communications a été condamnée par la Cour supérieure à payer près de 17 millions de dollars dans le cadre d'un recours collectif intenté par un ancien client. Celui-ci avait dû verser 200$ pour mettre fin à son contrat de téléphonie cellulaire 13 mois avant l'échéance. C'était complètement déraisonnable puisqu'il n'avait reçu qu'un rabais de 100$ sur son téléphone à la signature de l'entente de trois ans.

En septembre, Bell Mobilité a aussi été condamnée à remettre près de 1 million à d'anciens clients. Mais le dossier a été porté en appel, ce qui pourrait aussi être le cas du jugement contre Rogers. Un autre recours collectif intenté contre Telus (mobile et filaire) devrait être entendu l'automne prochain, avance Me David Bourgoin, de BGA Avocats, qui pilote tous les dossiers.

Finalement, un autre recours contre Bell intenté par des clients qui s'étaient fait imposer des frais de rupture de contrat après avoir coupé leur bonne vieille ligne de téléphone résidentielle a déjà fait l'objet d'une entente à l'amiable cours. Quelque 31 000 consommateurs ont reçu un montant d'environ 17$.

Cette pluie de recours collectifs émane d'une série de chroniques que j'avais publiées en 2009 et en 2010 à partir de mésaventures de lecteurs de La Presse. Voilà bien la preuve que les consommateurs lésés ont avantage à se battre.

Individuellement, les montants en cause ne paraissent peut-être pas astronomiques. Mais collectivement, ils le sont. Le procès a fait ressortir que Rogers a réclamé 73 millions en frais de résiliation anticipée au fil des ans et Bell, 81 millions. Mais entre le quart et la moitié des sommes ont véritablement été encaissées, ce qui démontre clairement la réticence des clients à payer ces frais injustes.

Fort heureusement, l'État n'a pas attendu pour encadrer les frais d'annulation de contrat.

Depuis la réforme de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) en 2010, les fournisseurs de télécoms (téléphonie résidentielle et cellulaire, télévision, internet, etc.) ne peuvent plus exiger des frais de rupture de contrat supérieurs au «bénéfice économique» consenti au départ.

Ces frais diminuent au fur et à mesure que le contrat s'écoule. Par exemple, si un client a reçu un terminal d'une valeur de 300$ à la signature d'un contrat de télévision de trois ans, le fournisseur ne pourra pas lui demander une pénalité supérieure à 100$ s'il quitte l'entreprise après deux ans.

Ottawa a resserré les règles encore davantage avec le nouveau Code sur les services sans fil qui est entré en vigueur le 2 décembre 2013.

Désormais, les contrats sont limités à deux ans. Ensuite, les clients sont libres comme l'air. Durant la période du contrat, le fournisseur de sans-fil ne peut pas exiger des frais de rupture de contrat plus élevés que la valeur du cadeau offert à la signature. Et ces frais doivent diminuer graduellement au fil des mois pour tomber à zéro à la fin du contrat.

Alors, tout est réglé? Non, pas complètement.

Plusieurs fournisseurs ont encore la mauvaise habitude d'exiger un préavis de 30 jours aux clients qui annoncent leur départ. Cette pratique injuste force les abonnés qui veulent changer de fournisseur à payer un mois en double.

Pourtant, les consommateurs ne sont pas tenus de donner un tel préavis, dit l'Office de la protection du consommateur (OPC). Ils peuvent arrêter de payer le service dès le jour où ils demandent le débranchement.

Le Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications (CPRST) se bat depuis quatre ans pour que cette pratique cesse. Mais certains fournisseurs refusent de rentrer dans le rang. Attendent-ils un autre recours collectif?

Mais ce n'est pas tout. Plusieurs grands fournisseurs ne se conforment toujours pas aux articles de la LPC. L'Office de la protection du consommateur a accusé Bell Mobilité (Virgin Mobile) et Telus Communications dont les contrats seraient truffés de clauses interdites, notamment sur les frais de rupture de contrat.

Bell fait face à des amendes qui pourraient atteindre 3,3 millions et Telus, 4,1 millions. D'autres fournisseurs de télécommunications pourraient subir la même médecine. Et c'est tant mieux. Depuis 2010, ils ont eu amplement le temps d'adapter leur contrat aux nouveaux articles de la LPC. Il n'y a pas de raison de continuer de menotter la clientèle.

Entre-temps, les consommateurs lésés ne devraient pas rester les bras croisés. On vous a imposé des frais de rupture de contrat illégaux? J'aimerais bien le savoir.