L'Institut économique de Montréal (IEDM) n'est pas le premier organisme auquel on pense en matière de défense des consommateurs. Mais la semaine dernière, il est monté au créneau pour dénoncer l'écart de prix des billets d'avion entre les aéroports canadiens et les aéroports concurrents de l'autre côté de la frontière.

Plusieurs études ont prouvé que les billets coûtent plus cher en partance du Canada. Le Conseil des aéroports du Canada (CAC) parle d'une différence de 428 $ en moyenne pour un vol aller-retour. Mais ce n'est pas toujours le cas, comme l'a déjà démontré une comparaison du magazine Protégez-Vous qui arrivait à des écarts plus minces.

C'est qu'il faut tenir compte de tous les frais, pas juste du prix du billet. Si vous êtes de Montréal, partir de Plattsburgh ou de Burlington vous coûtera plus cher d'essence que décoller de Dorval. Par contre, le stationnement coûte moins cher dans les aéroports américains qu'à l'aéroport Trudeau. Quoique les voyageurs peuvent aussi prendre un taxi et éviter le stationnement.

Il faut aussi calculer le temps perdu pour se rendre en voiture à un aéroport américain. Certains résidants de la Rive-Sud trouveront peut-être ce trajet moins stressant que le parcours vers Dorval, avec les risques de congestion que cela comporte.

Tout bien considéré, les aéroports américains ont quand même un attrait indéniable. La preuve ? Cinq millions de Canadiens traversent la frontière annuellement pour décoller d'un aéroport dans une ville limitrophe. C'est l'équivalent de 64 Boeing 747 par jour ! Tous ces passagers ont certainement fait leurs calculs.

Cette migration provoque des pertes de 2,2 milliards pour le Canada, un déficit de 9000 emplois, estime le CAC.

Montréal n'y échappe pas. L'aéroport a perdu 21 % de sa clientèle. Cet exode témoigne d'un malaise chez les consommateurs. Cela est inquiétant, car un aéroport constitue un atout crucial de développement économique d'une ville, ce dont tous les Montréalais devraient se préoccuper.

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Pourquoi les billets d'avion coûtent-ils plus cher au Canada ? Les taxes expliquent environ 40 % de l'écart de prix, selon le Conference Board.

Selon un palmarès du Forum économique mondial, le Canada est l'un des pays où les taxes et droits sur le transport aérien sont les plus élevés.

Voici un exemple patent. Disons que vous voulez vous rendre à Fort Lauderdale, en avril. Pour un aller simple, il vous en coûtera 246 $ avec Air Canada, à partir de Montréal, contre seulement 181 $ avec Spirit Airlines, à partir de Plattsburgh, selon une comparaison réalisée par l'IEDM.

Ce voyage vous coûtera donc 65 $ de plus en partance de l'aéroport Trudeau, une différence de 36 % entièrement attribuable aux taxes. Cela dit, l'écart serait moins prononcé sur un aller-retour, car les taxes ne s'appliquent qu'une seule fois.

Mais les taxes n'expliquent pas tout. Si les prix sont plus bas aux États-Unis, c'est aussi parce que l'industrie y est plus concurrentielle. Elle compte plusieurs grands transporteurs ainsi que de nombreux transporteurs à rabais, comme Allegiant qui dessert l'aéroport de Plattsburgh et JetBlue qui dessert celui de Burlington.

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Pour réduire l'écart de prix et stopper l'hémorragie de passagers vers les aéroports américains, plusieurs groupes militent pour l'abolition du loyer des aéroports. Le comité sénatorial permanent des transports et des communications leur a d'ailleurs donné raison en 2012.

Il faut savoir qu'Ottawa s'est complètement dégagé de la responsabilité des aéroports en 1992. Mais le gouvernement demeure propriétaire et prélève un loyer d'environ 12 % des recettes.

Contrairement aux aéroports américains, les aéroports canadiens ne reçoivent aucune subvention. De plus, ils doivent trouver eux-mêmes le financement nécessaire pour garder leurs installations au goût du jour.

Depuis 2001, les grands aéroports canadiens ont investi 14 milliards pour se moderniser. Personne ne niera que l'aéroport Trudeau avait besoin d'une sérieuse cure de jeunesse.

Mais ces investissements majeurs ont été menés sans gouvernance adéquate, sans même qu'Ottawa se garde un droit de veto, dénonce l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques. L'IGOPP encourage d'ailleurs Ottawa à vendre les aéroports aux grandes villes, redevables à leurs électeurs.

Car qui paie pour tout ça? Vous!

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Au Canada, les frais d'atterrissage versés par les transporteurs aériens ont doublé (de 559 millions à 1 milliard), ce qui se reflète tôt ou tard dans le prix des billets.

En plus, les frais d'améliorations aéroportuaires imposés aux passagers ont bondi de 200 % (de 225 à 761 millions). À Montréal, par exemple, les FAA sont passés de 10 $ en 1997 à 25 $ aujourd'hui.

Bref, ce sont les voyageurs qui paient la note. Mais comme les aéroports valent plus cher et réalisent plus de recettes, le gouvernement leur demande un loyer plus élevé. C'est un peu comme si un locataire rénovait lui-même son logement et que son propriétaire lui collait ensuite une augmentation de loyer.

On pourrait bien abolir les loyers des aéroports en s'assurant que l'économie soit entièrement refilée aux consommateurs. Le hic, c'est que l'abolition du loyer réduirait les FAA d'environ 3 $ seulement. Rien pour ramener les voyageurs à Dorval!

Autre piste : utiliser l'argent provenant de l'abolition des loyers pour attirer de nouveaux concurrents à Montréal en leur offrant des garanties qui couvriraient leurs pertes éventuelles, par exemple. Cela favoriserait la venue de transporteurs à rabais qui pourraient forcer tous les transporteurs actuels à revoir leur tarification.

Au bout du compte, la clientèle aurait plus de choix et des tarifs plus bas.