Avez-vous parfois l'étrange impression que vous payez davantage d'impôt, malgré tous les allègements fiscaux dévoilés en grande pompe par le gouvernement à chaque budget?

Eh bien non, vous n'avez pas la berlue! Depuis huit ans, Ottawa a donné du lest aux contribuables, dont le taux d'imposition a réellement fondu. Pourtant, bon nombre de particuliers paient davantage d'impôt.

Comment cela est-il possible? C'est parce que vous êtes plus riche! Comme vos revenus ont augmenté, vous versez plus d'impôt... en dollars. Mais en pourcentage de votre salaire, votre taux d'imposition a baissé. Vous avez donc économisé de l'impôt!

Bizarre? Pas du tout. Voyons ce que ça donne pour un célibataire qui gagnait 70 000$ en 2005, l'année avant l'arrivée des conservateurs au pouvoir. Cette année-là, notre célibataire a dû payer 9400$ d'impôt à Ottawa.

Suivant l'inflation, son salaire a grimpé à 81 700$ en 2013. Comme ses revenus étaient plus élevés en 2013, il a payé 10 500$ d'impôt, soit 1100$ de plus qu'en 2005.

Pourtant, son taux d'imposition a baissé de 13,4% en 2005 à 12,9% en 2013. Il s'agit d'une réduction d'un demi-point (0,5%).

N'eussent été les allègements accordés par le ministre des Finances, Jim Flaherty, la facture fiscale de ce contribuable aurait été plus élevée de 435$ en 2013. «Ce calcul permet de faire ressortir nos véritables économies d'impôt», explique Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez EY, qui nous a concocté une série de tableaux.

À la veille du dépôt du budget fédéral, cet exercice nous permet de voir qui a profité le plus des mesures annoncées par M. Flaherty depuis huit ans.

Les célibataires sur leur faim

Premier constat: les personnes vivant seules, qu'elles soient sur le marché du travail ou à la retraite, ont été les moins gâtées. Depuis l'arrivée des conservateurs, elles ont bénéficié d'économies variant de 300 à 600$, selon leur niveau de revenus.

En fait, les célibataires ont seulement profité des modifications aux tables d'imposition en 2009, lesquelles ont fourni des baisses d'impôt à l'ensemble des contribuables.

Il est vrai que la réduction de la TPS de 7 à 5% a aussi profité à tout le monde... mais pas au Québec, car la province s'est dépêchée de relever la TVQ de 2 points. Par ce jeu de vases communicants, les Québécois paient toujours 15% de taxes à la consommation, au total.

Bonnet blanc, blanc bonnet? Pas tout à fait. «Quand Ottawa a diminué la TPS, il n'a pas réduit le crédit de TPS qui est envoyé aux plus démunis, ce qui aurait été mal vu. Mais lorsque Québec a augmenté la TVQ, on s'est empressé d'augmenter le crédit de TVQ et de solidarité. De cette manière, les plus démunis sont aujourd'hui mieux compensés qu'auparavant», fait remarquer Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke.

La palme d'or aux retraités

Allons-y maintenant avec les gagnants. La palme d'or revient aux couples de retraités, qui peuvent fractionner leurs revenus depuis 2007. Une mesure très payante.

Prenez un couple de retraités qui gagnait 80 000$ en 2005, répartis 80%-20% entre les deux conjoints. Grâce au fractionnement, ce couple économise presque 2700$ d'impôt par année.

Voilà de quoi faire oublier la disparition de l'avantage fiscal des fiducies de revenus, un type de placement qui plaisait à beaucoup d'aînés.

Sauf que les retraités qui vivent seuls sont perdants sur toute la ligne, car ils ne profitent pas du tout du fractionnement.

La palme d'argent aux familles

Les familles avec de jeunes enfants ont aussi été choyées par les conservateurs. Elles ont touché des économies d'impôt variant de 1100 à 1400$, comme l'illustrent les tableaux d'EY.

En plus, les parents qui ont des enfants de moins de 6 ans reçoivent la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE), un montant imposable de 1200$ par année, par enfant.

C'est sans compter une brochette d'autres mesures conçues spécialement pour les familles par Jim Flaherty: crédit pour activité physique, bonification du Régime enregistré d'épargne-études (REEE), création du Régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI)...

Et si le Canada revient à l'équilibre budgétaire, les familles passeront encore à la caisse, car les conservateurs ont promis le fractionnement de revenus à toutes les familles.

Toutes les familles? Non!

Le fractionnement ne donnera rien aux familles monoparentales, rien aux familles dont les deux conjoints ont des revenus équivalents et rien aux familles à plus faibles revenus.

En fait, le fractionnement profitera davantage aux familles traditionnelles, relativement aisées, dont un des conjoints gagne un bon salaire, tandis que l'autre reste à la maison et gagne peu de revenus.

Comme n'importe quelle baisse d'impôt, le fractionnement risque d'être populaire. Mais cela reste une mesure qui décourage les femmes de retourner travailler. Dommage.

Le taux de participation des femmes sur le marché du travail a grimpé en flèche, notamment depuis l'arrivée des garderies à 7$. Il ne faudrait surtout pas revenir en arrière.