Le programme de Soutien aux enfants fournit une aide précieuse à près de 865 000 familles québécoises. Mais cette manne de 2,2 milliards crée aussi de la chicane.

Certains contribuables trichent carrément et se font rattraper par la RRQ. Bien fait pour eux. Mais plusieurs autres parents perdent des sommes importantes parce qu'ils n'ont pas tout à fait compris les règles du jeu qui peuvent être assez complexes, il faut bien le dire.

L'an dernier, la Régie des rentes du Québec (RRQ), qui administre le programme, a reçu pas moins de 2662 demandes de révision. Plusieurs contribuables insatisfaits portent leur cause en appel devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ) qui a rendu 142 décisions à propos du Soutien aux enfants l'an dernier.

Et c'est sans compter les plaintes qui portent spécifiquement sur le Supplément pour enfants handicapés.

Séparation, garde partagée

Le plus souvent, les problèmes surviennent après une séparation. Quand les deux parents vivent ensemble, le paiement de soutien est versé à un seul d'entre eux, la mère par défaut.

En cas de séparation, les ex-conjoints peuvent recevoir chacun leur portion du paiement, en simultanée, selon la fréquence qu'ils préfèrent (mensuelle, trimestrielle).

Mais il arrive souvent que la mère continue de recevoir le paiement en entier après la rupture, parce que la RRQ n'a pas été avisée. Si le père a la garde de son enfant au moins 40 % du temps, il peut très bien demander sa part... rétroactivement.

La RRQ ira alors puiser dans les poches de la mère les sommes versées en trop durant plusieurs mois. Un choc !

Pour éviter les ennuis, il est important d'aviser la RRQ si votre statut matrimonial change. En cas de rupture, attendez 90 jours pour l'en informer. Et si vous avez un nouveau conjoint de fait, vous pouvez attendre 12 mois avant de le présenter à la RRQ.

Famille recomposée

Si vous avez une nouvelle flamme dans votre vie, vos paiements risquent de fondre. Le montant de Soutien aux enfants varie selon le nombre d'enfants dans la famille, le revenu familial et la situation matrimoniale.

Par exemple, une mère monoparentale qui gagne 35 000 $ par année recevra 4236 $ avec deux enfants à charge, si l'on se fie à l'outil de simulation CalculAide disponible sur le site web de la RRQ.

Si elle se refait un conjoint qui gagne 70 000 $, elle perdra les trois quarts de ses paiements et ne recevra plus que 1248 $ par année, soit le paiement minimal auquel les familles plus fortunées ont droit.

Mais la mère pourrait cesser complètement de recevoir des paiements si son nouveau conjoint a aussi deux enfants, plus jeunes que les siens.

Étrange? Peut-être. Mais ce sont les règles pour les familles recomposées. N'oubliez pas, le paiement de Soutien est versé à un seul parent par famille. Si les deux nouveaux conjoints sont admissibles, le Soutien est versé au conjoint ayant le plus grand nombre d'enfants. Et lorsque le nombre d'enfants est égal, le Soutien est versé au conjoint ayant l'enfant le plus jeune. Cependant, si ce plus jeune enfant est l'enfant du couple, le paiement est attribué à la mère, explique la RRQ. Vous suivez?

Rétroactivité

Lorsqu'un parent n'a pas reçu un paiement de Soutien auquel il avait droit, la RRQ peut revenir 11 mois en arrière.

Mais la Régie peut, à sa discrétion et pour un motif valable, accorder une somme rétroactive pour une période encore plus longue, vient de rappeler une récente décision du TAQ.

La RRQ devra verser des prestations rétroactives sur trois ans à un père qui avait la garde partagée de son enfant. Il n'avait pas présenté de demande à la Régie, car il croyait que son ex-conjointe touchait le paiement au complet. Pourtant, elle n'en recevait que la moitié puisqu'elle avait informé la RRQ de la garde partagée. La Régie aurait pu avertir le père dont elle avait les coordonnées, mais elle ne l'a pas fait.

Attention ! La RRQ ne fera pas de faveur aux parents qui ont été négligents, qui ignoraient la loi ou qui ont tout simplement produit leur demande en retard.

Statut, citoyenneté

Les paiements de soutien sont réservés aux résidants du Québec. Si vous quittez la province, il faut en aviser la RRQ qui cessera les paiements. Gare aux tricheurs!

En 2008, la RRQ a réclamé 80 000 $ à une mère de 11 enfants qui avait touché des paiements pendant plus de 10 ans, alors qu'elle n'habitait plus au Québec.

La famille était établie à Jérusalem, où les huit derniers enfants sont nés. Mais la mère donnait toujours l'adresse de ses beaux-parents au Québec. C'est en exigeant le certificat de naissance du petit dernier que la RRQ a finalement découvert le pot aux roses.

La famille a contesté la décision devant le TAQ qui n'a guère été impressionné par ses arguments. La famille prétendait qu'elle avait toujours un lien avec le Québec puisqu'elle y avait conservé un compte bancaire et y faisait sa déclaration de revenus. Bien sûr, cela était nécessaire pour toucher les paiements ! De la pure mauvaise foi.

Pour cette raison, le TAQ a déterminé que la RRQ pouvait revenir 15 ans en arrière, même si la prescription est normalement de trois ans. On se demande bien si la RRQ reverra un jour la couleur de son argent.

D'ou vient la chicane?

Motifs de contestation liée au programme de soutien aux enfants:

37,4 % Périodes de garde en cas de séparation

16,6 % Situation conjugale

14,7 % Influence d'un autre dossier sur le dossier du client (ex : dans les cas de garde partagée)

10,2 % Date de début de l'admissibilité/ date de fin de l'admissibilité/ rétroactivité du paiement

9,2 % Remboursement d'un compte à recevoir

5,0 % Statut de résidence

3,4 % Placement centre jeunesse

Motifs de contestation liée au Supplément pour enfants handicapés

94,5 % Opinion médicale

4,8 % Rétroactivité du paiement

Source : RRQ