Il n'y a pas de baguette magique pour réparer les failles de notre système de retraite. Pas de solution miracle pour pallier le manque d'épargne des Québécois depuis 20 ans. Et ne croyez pas que le comité D'Amours, qui a déposé son rapport il y a un mois, va tout régler instantanément.

Le comité d'experts de la retraite a mis de l'avant des outils intéressants. Il a mis son grain de sel au régime volontaire d'épargne-retraite (RVER). Et il a dessiné de toutes pièces la rente de longévité, qui a reçu un bel accueil.

Plus de la moitié des Québécois sont en faveur de cette nouvelle rente qui serait versée à tous les travailleurs à partir de 75 ans. Et les jeunes sont encore plus enthousiastes: près des trois quarts appuient la rente de longévité, selon un sondage de l'Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic.

Mais ni la rente de longévité ni le RVER ne régleront vraiment les problèmes pour les travailleurs de 40 ans et plus, particulièrement ceux qui ont de bons revenus mais qui n'ont pas épargné suffisamment depuis qu'ils ont commencé à travailler.

Voilà qui inquiète Claude Castonguay, Fellow invité au CIRANO, qui doit publier cette semaine une analyse de la situation.

Le problème est grave, rappelons-le. Près de deux millions de travailleurs québécois n'ont aucun régime de retraite. Laissés à eux-mêmes, ils n'économisent pas assez. À ce rythme, la moitié de la classe moyenne n'aura pas assez d'argent pour maintenir son niveau de vie à la retraite, selon les simulations de la Régie des rentes du Québec (RRQ).

La rente de longévité proposée par le comité D'Amours offrira une sécurité financière aux personnes âgées, mais seulement lorsqu'elle aura atteint sa vitesse de croisière dans 40 ans. C'est que la rente longévité est pleinement capitalisée, c'est-à-dire que les travailleurs obtiendront une rente équivalant aux cotisations qu'ils auront versées. Ni plus, ni moins.

À partir de 75 ans, les travailleurs profiteraient d'une rente représentant 0,5% de leur salaire, multiplié par le nombre d'années de cotisation. Par exemple, un travailleur qui aurait cotisé pendant 40 ans, soit de 25 à 64 ans, toucherait une rente équivalant à 20% de son salaire.

En ajoutant les autres régimes de retraite de l'État, soit la RRQ et la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), ce travailleur pourrait ainsi remplacer 60% de ses revenus d'emploi, à 75 ans, soit le niveau minimum pour maintenir son style de vie.

Mais la rente de longévité ne sera pas aussi efficace pour un travailleur qui aurait 45 ans lors du lancement du programme. La raison est simple: il n'aurait cotisé que la moitié de sa carrière. À 75 ans, sa rente représenterait donc 10% seulement de son salaire. En combinant la PSV et la RRQ, ce travailleur n'aurait même pas l'équivalent de la moitié de son revenu d'emploi.

Malgré le fait qu'ils auront cotisé pendant 20 ans pour la rente de longévité, de nombreux travailleurs qui ont plus de 40 ans aujourd'hui devront vivre sous le seuil de faibles revenus à 75 ans, dans la mesure où ils n'ont pas d'autres épargnes, fait ressortir M. Castonguay.

Pour permettre aux retraités d'atteindre un taux de remplacement adéquat plus rapidement, il faudrait abandonner l'idée de la pleine capitalisation, estime l'ancien ministre libéral. Par exemple, on pourrait offrir une rente pleine et entière 10 ans après la création de la rente de longévité, même si les retraités n'ont pas versé les cotisations suffisantes pour financer ce niveau de prestation. C'est exactement ce qu'on a fait dans les années 60 lors de la création de la RRQ.

Mais la situation démographique était bien différente à l'époque. La population active était en croissance et le nombre de retraités, plutôt limité. Aujourd'hui, les perspectives ont changé: la population en âge de travailler va diminuer d'ici 20 ans, tandis que le nombre de retraités devrait presque doubler, passant de 1,2 million en 2010 à 2,2 millions en 2030.

Peut-on vraiment refiler la facture de ce nouveau pilier de la retraite aux générations futures? Non! Déjà, on sait que les jeunes vont cotiser trois fois plus à la RRQ que leurs parents pour le même niveau de prestation; une iniquité intergénérationnelle flagrante. Ce serait gênant de leur demander de payer pour des travailleurs qui n'ont pas assez économisé depuis 20 ans, alors qu'ils auraient pu le faire.

Alors, comment s'en sortir? Il n'y a pas de miracle. Les travailleurs qui n'ont pas assez épargné devront mettre les bouchées doubles... ou bien travailler plus longtemps.

Pour les aider à épargner, le gouvernement péquiste a remis sur les rails le RVER avec le dépôt du projet de loi 39 au début de mai. La nouvelle mouture reprend les grandes lignes du projet présenté par les libéraux, en tenant compte des recommandations du comité D'Amours.

Bonne nouvelle, les employeurs pourront donc offrir un CELI collectif au lieu du RVER, un choix plus intéressant pour les employés à faibles revenus.

Autrement, le projet reste le même. Toutes les entreprises qui ont plus de cinq employés devront offrir un RVER. Les travailleurs cotiseront par défaut, tout en ayant la possibilité de se retirer à leur guise.

Le hic, c'est que les employeurs ne seront pas tenus de cotiser et que les employés n'auront rien pour les inciter à rester dans le RVER, alors que d'autres pays ont offert des «bonbons» aux épargnants pour assurer le succès de programmes semblables.

De plus, les employés pourront retirer leur cotisation avant leur retraite, puisque les sommes ne seront pas immobilisées. Résisteront-ils à la tentation? Les données sur le REER montrent que la plupart des épargnants encaissent leurs épargnes avant la retraite, indique M. Castonguay.

«On ajoute un nouvel élément de complexité, sans aucune preuve que cela va améliorer la situation», estime Patrik Marier, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les politiques publiques comparées.