La justice est malade. Elle souffre de «procédurite» aiguë, un mal très répandu chez les avocats qui facturent 600$ l'heure. Pour le commun des mortels, les tribunaux sont devenus inaccessibles. Même le juge en chef de la Cour supérieure a déjà dit qu'il n'avait pas les moyens d'aller voir un avocat! Alors, imaginez vous et moi...

«Les tribunaux sont payés par tous les contribuables et ils devraient être accessibles à tout le monde, pas juste aux grandes entreprises, aux gouvernements qui monopolisent actuellement la cour», considère le professeur de droit Pierre-Claude Lafond, qui a posé un diagnostic inquiétant sur l'accès à la justice au Québec, dans un ouvrage récent.

Est-ce que ça se soigne, docteur? Le ministre de la Justice du Québec pense que oui. Mardi, Bertrand St-Arnaud a déposé le projet de loi 28 qui met sur les rails la réforme du Code de procédure civile qu'on attend depuis une bonne dizaine d'années.

Le projet s'inspire largement de l'avant-projet de loi déposé par les libéraux. Comme cet avant-projet a déjà fait l'objet de consultations parlementaires, les péquistes espèrent réussir à ficeler le tout pour Noël.

En dépoussiérant le Code qui date de 1965, le ministre St-Arnaud fait le pari que la justice sera moins lourde, moins coûteuse et plus rapide. Au-delà d'un changement de procédure, il promet un changement de culture. Voilà qui fait rêver!

La réforme accordera des pouvoirs accrus aux juges qui devront s'assurer que les moyens déployés par les avocats sont proportionnels à l'enjeu du litige. Au début du procès, le juge pourra demander aux parties leur plan d'attaque et intervenir lorsqu'un avocat convoque trop de témoins ou d'experts. Et à la fin du procès, le juge pourra faire payer les frais à l'une des parties, si elle a abusé des procédures.

Très bien. Mais comment réagiront les juges? Habitués de siéger et de trancher des litiges, de quelle façon assumeront-ils leur nouveau rôle de «gestionnaires de projets» ?

Et les avocats feront-ils leur bout de chemin? Québec veut aussi favoriser le recours à l'expertise commune. Les experts coûts très cher, ce qui constitue l'un des plus grands obstacles à l'accessibilité des tribunaux, avec les honoraires des avocats.

En théorie, si les deux parties utilisent le même expert, on coupe la facture en deux. Mais si chaque avocat préfère sélectionner son propre expert, tout cela ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau... un peu comme lorsque Québec avait voulu raccourcir les délais en 2003. Récalcitrants, les avocats ont pris toutes sortes de moyens pour obtenir des extensions.

Québec compte aussi sur la médecine alternative (médiation, conciliation, etc.) pour régler les maux du système de justice.

À la Cour des petites créances, par exemple, on mise sur la médiation obligatoire dans certains dossiers, notamment en consommation. Excellente nouvelle. Espérons que cela permettra de réduire les délais. À Montréal, il faut patienter presque deux ans pour être entendu. Un autre facteur qui décourage les gens d'aller en cour.

Mais il risque d'y avoir une avalanche de nouveaux dossiers, puisque Québec veut faire passer la réclamation maximale de 7000 à 15 000$ aux petites créances. Remarquez qu'on pourrait mettre la barre plus haut, à 25 000$ comme en Ontario.

Présentement, on assiste à un phénomène inquiétant: beaucoup de justiciables aux prises avec un litige plus important réduisent leur réclamation à 7000$ pour aller aux petites créances. Autrement, les frais d'un recours civil, qui s'élèvent à 12 000$ en moyenne, les auraient ruinés.

D'autres préfèrent rester dans la cour des grands, en se passant d'avocat. À la Cour supérieure et devant le Tribunal administratif du Québec, près du tiers des citoyens se représentent eux-mêmes. Mais ils peuvent vite s'empêtrer dans le jargon et les procédures.

Prenez un accidenté du travail qui s'oppose à la décision de la CSST. Il peut perdre sa cause simplement parce qu'il n'a pas déposé le rapport d'expert à temps. «Pour une jeune victime incapable de travailler jusqu'à 65 ans, les sommes en jeu sont astronomiques», dit Me Janick Perreault, qui a participé à la rédaction du fascicule «Seul devant un tribunal administratif».

Il s'agit du quatrième fascicule préparé par la Fondation du Barreau du Québec pour mieux outiller les gens qui se représentent eux-mêmes, notamment à la Régie du logement. Les fascicules démystifient le jargon, présentent les règles à suivre et donnent de nombreux liens pour bien se préparer. Et c'est gratuit!

www.fondationdubarreau.qc.ca/publications/seul-tribunal-administratif/

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BESOIN D'UN COUP DE MAIN JURIDIQUE?

> Aide juridique Québec a relevé les seuils d'admissibilité en juin 2012. Mais les services resteront inaccessibles aux individus qui gagnent plus de 21 000$ (34 500$ pour les familles).

> Assurance juridique Trop de justiciables ignorent qu'ils ont droit au coup de main d'un avocat par l'entremise de leur programme d'aide aux employés (PAE), de leur assurance habitation ou de leur carte de crédit.

> Centre de justice de proximité du Québec Les centres de Montréal, Québec et Rimouski offrent de l'information juridique, mais pas d'avis ou d'opinion. https://justicedeproximite.qc.ca/montreal/

> Pro Bono Québec Parrainé par le Barreau du Québec, ProBono Québec propose des services gratuits ou à coût modique pour la population démunie. www.probonoquebec.ca

> L'Association du Jeune Barreau de Montréal offre un service de préparation à une audition en cour. www.ajbm.qc.ca

> Les facultés de droit:

> UQAM: www.cliniquejuridique.uqam.ca/

> Université de Montréal: www.droit.umontreal.ca/services/services_juridiques.html

> Université Laval: www.bijlaval.ca/