Les Trudeau et les Obama posent pour les photographes avant que ne débute le dîner officiel à la Maison-Blanche. Justin et Barack en smoking, noeud papillon. Michelle, en robe noire à motifs imprimés signée par le désigner canado-taiwanais Jason Wu. Sophie, en robe violette avec des motifs floraux orange conçue par le Canadien d'origine roumaine Lucian Matis. Ils sont beaux. Elles sont belles. Les hommes chics et alertes, prêts à jouer le prochain James Bond. Les dames d'une élégance d'autant plus réjouissante qu'elles font preuve d'un peu d'audace.

Ils ont tous de jolis traits. Barack, avec sa gueule du président le plus cool de l'histoire de l'Amérique. Justin, le mélange parfait de la beauté classique de son père et de la beauté flower power de sa mère. Michelle, la chevelure sexy et la silhouette athlétique. Sophie, mignonne avec son air d'enfant qui se demande : « Suis-je vraiment en train de vivre tout ça ! ? »

Mais au-delà de leur beauté physique, ce qui fait vraiment de ces quatre dignitaires de belles personnes, ce qui attire les regards et les flashs, c'est leur bonheur. Ils ont l'air heureux. Le sont-ils pour autant ? Le sont-ils tout le temps ? Ça, c'est leur histoire.

Mais chaque fois qu'ils sont devant nous, ils ont l'air contents d'être devant nous. Et nous, par le fait même, nous sommes contents qu'ils le soient.

Ce sont des êtres souriants. Même le plus aigri des conservateurs, même le plus frustré des républicains ne peut résister à leur joie affichée. En secret. Ils ne le diront pas, c'est certain. Ils vont continuer à casser du sucre sur leur dos, mais au fond d'eux, ils aimeraient les aimer. Parce qu'ils sont aimables.

C'est la beauté dans ce qu'elle a de plus beau. L'ouverture, l'engagement, la vigueur.

Ce serait simpliste de résumer l'effet Trudeau au fait qu'il est beau. On peut être beau et ne pas soulever les passions. John Turner, le 17e premier ministre du Canada, était un très bel homme. Il apparaissait, année après année, sur la liste des plus beaux hommes du Canada lors du concours organisé par Lise Payette. Une beauté à la Robert Redford. Pourtant son charme ténébreux de ses années de ministre n'opérait plus quand il est devenu le grand leader. Il fut premier ministre à peine trois mois. Ça n'a jamais cliqué entre les Canadiens et lui. Suffit pas d'être beau bonhomme...

L'effet Trudeau, c'est pas juste qu'il est beau, c'est surtout qu'il est bien dans sa peau. Et pour que l'on s'en aperçoive, fallait que les lumières soient sur lui. Fallait qu'on le regarde aller.

Curieusement, ce n'est pas la trudeaumanie qui l'a porté au pouvoir. Contrairement à Obama, qui a emballé les États-Unis comme une rock star, dès le début de sa course à l'investiture démocrate, et qui a surfé sur l'Obamania jusqu'à son arrivée au plus haut sommet, Trudeau, lors de la dernière campagne, n'était rien de plus, sur le radar médiatique, que l'un des trois chefs des principaux partis. Et il passait troisième, le plus souvent. Les experts ont d'abord cru à un effet Mulcair. Ça n'a pas duré. On a aussi cru à un effet Harper. Ç'avait assez duré. C'est Justin qui a coiffé tout le monde au finish. Au grand étonnement de beaucoup. Et la trudeaumanie a commencé là. Le jour de son élection. Sa beauté ne l'a pas mené au pouvoir. C'est le pouvoir qui a révélé sa beauté. Devenu PM, la caméra n'avait pas le choix de la montrer.

Le lendemain de son élection, quand Justin est allé serrer des mains dans le métro, avec prestance, enthousiasme et sincérité, bien des électeurs se sont dit : « Coudonc, y est ben cool, lui, j'aurais peut-être dû voter pour lui. » Le vent de fraîcheur s'est mis à souffler. Et il ne cesse de souffler depuis. Après les années constipées de Harper, ça fait du bien. Vous me direz que ce n'est que du vent. C'est sûr. Mais du vent, c'est déjà ça. C'est ce qui fait avancer les voiliers. Encore faut-il qu'il y ait une direction au voilier. L'avenir nous le dira. Mais ce serait être de mauvaise foi, ne pas admettre que l'arrivée de Justin au pouvoir a fait du bien au Canada. Il a ouvert les fenêtres du pays. On respire mieux.

Le règne de la beauté, ce n'est pas synonyme de règne de la superficialité. Si la beauté est tournée vers les autres, et pas vers soi-même. Je sais, le Petit Prince a dit : « On ne voit bien qu'avec le coeur... » Le problème, c'est que la télé, on la regarde d'abord avec ses yeux. Et jeudi dernier, les Trudeau et les Obama faisaient de belles images. Stendhal, lui, a dit : « La beauté n'est jamais qu'une promesse de bonheur. » C'est ce que nous avions sur nos écrans, jeudi. Deux promesses de bonheur. L'une qui se termine et l'autre qui commence.

Obama a-t-il tenu ses promesses ? Avec du recul, dans quelques décennies, les historiens pourront nous le dire. Mais une chose est sûre, l'accès à Air Force One d'un homme issu d'une minorité qui autrefois n'avait même pas accès aux autobus est un événement immense. Un rêve réalisé.

Trudeau tiendra-t-il ses promesses ? Son ascension est moins significative que celle de son hôte. Si Trudeau est le représentant de quelque chose, c'est celui de la nouvelle génération. Au propre comme au figuré, il prend la place du père. Cette génération réussira-t-elle à faire du pays une société juste où tout le monde a une chance de réussir ? Espérons-le.

Il y a plein de Canadiens et d'Américains qui n'avaient pas grand-chose à manger, jeudi soir. Pour que leurs leaders aient le goût de sourire, lors du dîner officiel, il faut qu'ils aient fait quelque chose pour eux.

D'accord pour que la beauté règne, pourvu que le monde soit beau.