Selon le Nouveau Testament, Jésus est mort le Vendredi saint sur la croix. Il est ressuscité le dimanche de Pâques. Puis, quelques jours plus tard, ce fut l'Ascension; il est monté au ciel s'asseoir à la droite de son Père. Il est censé revenir un jour pour nous donner la vie éternelle, ce qui serait vraiment cool, surtout pour les indépendantistes qui rêvent de voir le Québec libre de leur vivant.

Admettons que c'est aujourd'hui que le Messie tient enfin promesse. Je sais que ce serait surprenant, mais il a dit qu'il ferait ça comme un voleur.

Donc aujourd'hui, pendant que vous rangez le garage, que vous magasinez au Costco, que vous achetez des oeufs Laura Secord ou que vous visitez New York, boum! le ciel s'ouvre, Jésus apparaît, lève les bras et crie: «I'm back!» Cela aurait un effet certain. On ne l'attendait plus. On était presque prêts à enlever tous nos crucifix et nos croix ostentatoires, et le voilà de retour en superstar. Ce serait la frénésie.

Première étape de son retour sur Terre: le jugement dernier. Le jugement dernier, c'est comme une immense commission Charbonneau où tous les humains doivent défiler en tant que témoins. Ça risque d'être long. L'humanité a beaucoup à se faire pardonner. Tout étant relatif, la meilleure stratégie pour augmenter ses chances d'être pardonné est de passer entre deux cas lourds. Exemple: vous témoignez entre Bernard Madoff et Poutine. Votre histoire de photocopieuse au party de Noël de 2008 et celle du plombier payé sous la table ont de bonnes chances d'être jugées de façon très clémente.

La commission Christ terminée, on vous accorde la vie éternelle. Youpi! Si les millions de Loto-Québec ne changent pas le monde, la vie éternelle, elle, va le changer du tout au tout. Imaginez ça, mardi matin, nous sommes tous éternels. Le trafic sur le pont ne déclenche plus du tout les mêmes émotions. Qu'est-ce que c'est, attendre trois heures quand vous avez l'éternité devant vous? La petite Tercel en arrière est pressée? Vous la laissez passer avec le sourire plutôt que de lui montrer le doigt. Fini l'engorgement dans les urgences; on est éternels, plus besoin de s'inquiéter d'une petite toux ou d'une éruption cutanée. Ça va finir par passer. Tout passe, sauf nous.

Cela dit, économiquement, la notion d'éternité n'arrangera rien à la dette. Au contraire. On a plus d'un million d'années pour payer, on ne va pas se faire chier à rembourser tout de suite. Amenez-en, des stades olympiques!

C'est sûr que l'éternité risque aussi de mettre en péril quelques mariages. Même les plus solides. Tous ceux qui se marient jusqu'à ce que mort s'ensuive, que font-ils quand la mort ne suit pas? Cinquante ans avec la même personne, c'est beau, c'est vertueux; 50 000 ans avec la même personne, c'est presque une déviation. Pas facile de conserver le mystère.

Un point névralgique qui n'est pas précisé dans la Bible, c'est qu'un coup que tu es éternel, est-ce que tu arrêtes de vieillir? Et si oui, à quel âge? Parce que sinon, passer l'éternité à se plaindre de ses bobos, ce n'est pas jojo. L'usure du corps à 75 ans, ça peut se tolérer. L'usure du corps à 700 000 ans, c'est l'enfer. Quand tu es rendu à ton 300e remontage de visage, tu finis avec le gros orteil en dessous du nez. Quel serait donc l'âge idéal pour vivre son éternité? Vingt ans? C'est tentant. Mais ça risque de ne pas être reposant. Surtout que tout le monde est barré à 20 ans. Toi, tes enfants, les enfants de tes enfants, les enfants des enfants de tes enfants... Ça fait ben du monde dans la rue pour la journée de la Terre.

Ce sera d'ailleurs le principal enjeu des anciens mortels. Si les gens ne meurent plus, si tout le monde s'accumule, où va-t-on entreposer tous ces Terriens? Heureusement que l'univers est infini, car il n'y a pas juste Mars qu'il va falloir coloniser. Chaque étoile deviendra une banlieue. La population augmentant de façon exponentielle, ça va en prendre, des nouveaux indicatifs téléphoniques!

Un des avantages de la mort, c'était qu'elle garantissait un cycle de remplacements. Un turn around, comme on dit en latin. L'aïeul laissait la place à sa progéniture, qui lui succédait et ainsi de suite. Les gens se relayaient selon les époques. Jacques Plante était suivi de Ken Dryden, qui était suivi de Patrick Roy, qui était suivi de Carey Price. Mais là, si Carey Price est éternel, il va vouloir rester dans les buts éternellement. Qu'est-ce qu'il va faire, le petit Fucale, pour jouer un jour? Il va falloir qu'il se crée sa propre équipe avec tous ceux qui n'auront pas plus de débouchés que lui. Vous trouvez ça mêlant, un circuit à 30 équipes? Attendez qu'il y en ait 3000, les séries vont être longues. La première position joue contre la 1500e en 1/100 de finale. C'est Claude Mailhot qui va être fatigué.

Le mal des éternels sera l'ennui, vous croyez? Comment apprécier la beauté d'une rose quand on sait qu'elle ne fanera jamais? Qu'elle sera toujours ainsi? Il en va de la vie comme il en va de l'amour: c'est la peur de la perdre qui la rend spéciale. Mais n'est-ce pas notre mal à nous aussi? Même si nous vivons très peu de temps, nous l'apprécions trop peu souvent.

Tant que le destin ne nous envoie pas un sérieux avertissement, nous agissons tous comme si nous n'avions pas de fin. Comme si tout nous était acquis. Comme si la vie n'était pas précieuse. Même si le temps nous est compté, on trouve le temps de s'ennuyer. Et pourtant...

Bien sûr, l'argent, le pouvoir, la gloire, le sexe et le curling... Mais tout ce qui compte, c'est la vie.

Peu importe nos croyances, ce week-end est avant tout la fête de la renaissance. On naît un jour. On renaît tous les jours. Parce qu'un être, un lac, un livre ou une chanson nous donne le goût d'exister.

Essayons d'être éternels, ne serait-ce qu'aujourd'hui. La vie le vaut bien.

Joyeuses Pâques!