C'est la voiture la plus intelligente au monde. Il en existe une seule. Elle est puissante, résistante, imposante, confortable. Ce n'est pas une Mercedes, ni une Ferrari, ni une Porsche. C'est une Bête. C'est son nom. Une grosse Cadillac modifiée. Une auto de James Bond, version familiale. Son propriétaire est le président des États-Unis. Il ne se déplace jamais sans elle. Que ce soit pour aller au G8 ou au ciné-parc, c'est dans cette Cadillac qu'embarque toujours Barack.

Lundi, après leur visite à l'ambassade des États-Unis à Dublin, le président et sa femme ont monté dans leur supervoiture pour continuer leur visite en Irlande. Le cortège s'est mis en marche. Les premières voitures ont franchi sans encombre le portail de l'ambassade. Une foule massée de l'autre côté de la rue s'est mise à crier de joie en voyant la voiture présidentielle avancer vers elle.

Mais soudain, les cris se sont tus. La Cadillac est restée prise sur un dos d'âne. Incapable d'avoir l'élan pour le franchir. La Bête est devenue une minoune. Le chauffeur du président est sorti de son véhicule, comme n'importe quel quidam sort de son véhicule quand il lui arrive quelque chose qu'il ne comprend pas. Il a fait le tour de son auto et a constaté l'absurdité de la situation. Cette voiture, conçue pour résister aux attaques terroristes, aux balles, aux grenades, aux incendies, aux ouragans, n'était pas fichue de surmonter un dos d'âne que n'importe quelle vieille Lada franchirait avec aisance.

Les cris de joie se sont transformés en rires. Les Irlandais étaient venus voir passer l'homme le plus puissant au monde et ils se retrouvaient devant un blooper.

Bientôt, un énorme camion gris est venu se placer devant la Bête, question d'obstruer la vue au curieux. L'entourage du président a pu remédier à la situation en paix.

Désinformation oblige, on a assuré plus tard que le président n'était pas encore dans sa voiture de fonction, donc qu'il n'avait pas vécu ce moment honteux. Puis, encore plus tard, on a juré qu'il ne s'agissait pas de la voiture présidentielle, mais d'une autre voiture semblable. Tout pour éviter que Barack Obama ait l'air fou. Le modeste dos d'âne a fait suer les attachés de presse de la Maison-Blanche presque autant qu'Oussama ben Laden. Un peu plus et on interdisait que circulent vidéos et photos de l'incident.

Ce qui est malheureux, avec cette histoire, c'est qu'elle nous enlève toute chance de voir Barack Obama en visite à Montréal. Les services secrets ne voudront pas risquer de voir le président disparaître dans un nid-de-poule.

Par contre, ce qui est remarquable, c'est de constater l'efficacité du dos d'âne. Arrêter la marche du président, ce n'est pas rien. Bien sûr, il y avait un morceau de métal qui traînait sous l'auto, ce qui explique pourquoi la Bête ressemblait à un béluga échoué sur une plage.

Le dos d'âne est une surface routière qui inspire des sentiments partagés. Tout le monde en veut un dans sa rue pour ralentir les fous qui roulent trop vite et qui risquent d'écraser les enfants. Mais personne n'en veut dans les rues des autres. Parce que, lorsqu'on le franchit trop rapidement, on se cogne la tête au plafond. Et si on le franchit trop lentement, ça donne un haut-le-coeur, une petite nausée qui fait remonter le Big Mac acheté quelques minutes plus tôt au service à l'auto.

Bref, 99% du temps, quand l'automobiliste aperçoit un dos d'âne, il sacre intérieurement. Alors imaginez à quel point le dos d'âne de l'ambassade des États-Unis à Dublin doit être une source d'inspiration pour tous les dos d'âne mal-aimés du monde. Un de leurs semblable est une vedette. Un de leurs semblables a réussi ce que ni George W. Bush ni Donald Trump n'ont réussi: arrêter la progression de Barack Obama.

Ce qui est ironique, dans tout ça, c'est que l'âne est la mascotte du Parti démocrate. Cette fois, son dos a réjoui les républicains. Il n'y a pas que les éléphants qui se trompent.

Malgré cette mésaventure, le président Obama a poursuivi sa visite en Irlande sans avoir l'air bête de Peter MacKay en Montérégie.

Non, mais l'avez-vous vu, le très honorable et hautain ministre de la Défense, en train de compatir avec les inondés durant 15 bonnes minutes?

Son langage corporel était éloquent. Ce que le ministre disait, c'était ceci: «Le Québec a voulu la vague orange, eh bien! qu'il sèche!»