Les Anglais, ils l'ont l'affaire! Au lieu de couper la tête à leurs souverains comme les Français ont fait, ils les ont gardés. Ils les ont remisés dans leurs vieux châteaux, et de temps en temps, ils les ressortent, ils les dépoussièrent un peu, et ils font un show avec eux, très payant.

Deux milliards de personnes ont regardé hier, le mariage du prince William et de sa belle Kate. Deux milliards! C'est autant de personnes que pour les Jeux olympiques. Mais c'est pas mal plus simple d'organiser une noce que des Jeux olympiques. Pas besoin de bâtir des nouvelles installations coûteuses, l'église est déjà là depuis des siècles. Pas besoin de grosses cérémonies d'ouverture hi-tech, une simple promenade en calèche fait l'affaire. Pas besoin de performances athlétiques démentielles, un petit bec sec sur le balcon et tout le monde est content.

Pour devenir le centre du monde, Londres n'a pas eu besoin de faire des courbettes devant le CIO, de dépenser une fortune dans des présentations léchées, de concourir avec les autres grandes métropoles de la planète. No sir! Ils ont seulement eu besoin de dire au plus vieux du prince Charles: Mon jeune, ce serait le temps que tu te marisses. Trouves-en une jolie pour que sa photo fasse vendre ben des tasses et des t-shirts. Et William a fait ce qu'on lui a dit. Il n'a pas le choix, c'est ça, son travail: se marier. Non, mais c'est vrai, le seul temps où l'on voit la royauté travailler un peu, c'est quand ses membres se marient ou quand ils meurent. C'est quand même moins forçant de se marier que de mourir. En plus, ils font des enfants, prennent des vacances et font des tatas dans des défilés. Pas mal comme programme. Chacun de leur geste fait la couverture de Paris-Match. Ce qui est très bon pour le tourisme. Hier, deux millions de personnes ont accouru à Londres pour voir le costume de Tweety Bird de la reine Élisabeth. Chapeau!

Il est temps que le Canada se dote d'un monarque. Un vrai. Je sais que nous avons, nous aussi, la reine Élisabeth comme régente, mais elle est trop à temps partiel. On ne veut pas d'une couronne en garde partagée. Ça nous prend une royauté en permanence au Canada. Notre roi du Canada à nous. Pis tant qu'à faire, pas un roi d'opérette comme en Angleterre. Non, un vrai de vrai. Un King! Comme dans le bon vieux temps. Avec tous les pouvoirs. Le big boss de l'identité canadienne. Quelqu'un qui aime les oreilles de crisse et le hockey. A true Canadian.

Le candidat idéal existe déjà. On s'apprête à l'élire premier ministre. Pourquoi tant qu'à faire ne pas le nommer roi? Je suis sûr que ça ferait son affaire. Stephen Harper agit déjà en roi. Il est distant. Il a sa cour. Ses allégeances religieuses propres. Il ne répond pas aux questions. Il fait à sa tête sans rendre de comptes. Imaginez comme il serait heureux si tout cela faisait partie de sa fonction. Au lieu d'être pris avec une coalition, on en lui donnerait le droit divin.

Fini les campagnes électorales aux 18 mois, les pancartes, le porte-à-porte, le serrage de mains, les bébés dans les bras, les débats plates, les Harper gouverneraient le Canada, de génération en génération.

De toute façon, avec les trois partis d'opposition qu'on a là, c'est ce qui risque d'arriver pour les 100 prochaines années, aussi bien l'officialiser.

Pensez-y. On est tellement désillusionnés par nos politiciens, alors pourquoi ne pas les éliminer et réinstaller la royauté? Tant qu'à se faire fourrer, aussi bien se faire fourrer royalement. Ça se prend mieux.

Parce qu'on vénère autant les rois que l'on méprise les politiciens.

Imaginez si hier, c'est le premier ministre anglais Dave Cameron qui s'était marié avec faste et pompe. Qu'il avait bloqué les rues pour que défile son cortège et qu'il avait tenu une réception privée pour ses amis aux frais des concitoyens. Les Anglais seraient descendus dans la rue, pas pour lui lancer des fleurs, mais pour briser des vitrines et faire sauter sa calèche.

Les rois nous font rêver. Les premiers ministres nous réveillent du mauvais pied.

Un roi, c'est un conte de fées. Un PM, c'est un compte de taxes.

Les rois, les reines, les princes et les princesses peuvent afficher leurs richesses, ça nous émeut. Ah, les beaux chevaux! Ah, le beau palais! Ah, les beaux jardins! Que nos élus aient le malheur de vivre dans une grande maison ou de faire rénover leur piscine, on crie au scandale. Qu'ils ne s'avisent pas de gagner plus cher qu'un joueur du Canadien qui joue à Hamilton, on les pourfend dans les journaux.

Les royaux, eux, sont tellement romantiques. Pourtant, leur fortune, c'est de l'argent volé à leurs loyaux sujets. De l'argent couvert de sang. Mais c'est pas grave, c'est de l'argent volé il y a très longtemps. Ils ont tellement de classe. Ils sont si dignes. Si vintage. Tandis que les politiciens sont tellement fourbes, corrompus et petite vie.

Quand les leaders du monde se réunissent au G8, il y a plein de gens dans les rues pour tout casser, pour se révolter contre le pouvoir des puissants. Quand ce sont des têtes couronnées qui dilapident les deniers publics, c'est cute. Ça fait Sissi.

Pour enrayer le désabusement qui gangrène la vie politique, il n'y a vraiment qu'une solution: revenir à la monarchie.

La démocratie, c'est trop compliqué. Faut s'informer, se faire une idée, aller voter. Remettons tout dans les mains de Stephen 1er. Et stressons pour les vraies questions: que faire avec Gomez?