Tout le monde dit que c'est la crise. Pourtant, personne ne fait de crise. Nous sommes calmes. Passifs. Presque végétatifs. La Caisse de dépôt a perdu 40 milliards de dollars. Quarante milliards de notre argent, de nos économies. Avez-vous entendu quelqu'un crier quelque part? Avez-vous entendu quelqu'un se choquer? Pas du tout.

On est là, devant notre télé. On regarde la commission parlementaire. On hausse les épaules. On se dit: «Ben cou'donc...» On trouve ça plate, pis on change de poste.

 

On s'émeut plus quand Bob Gainey s'obstine à faire jouer Carey Price. Pourtant, avec 40 milliards, on pourrait se payer tous les gardiens de la LNH!

L'ancien boss de la Caisse de dépôt, Henri-Paul Rousseau, est venu expliquer que ce n'était pas vraiment sa faute. Qu'ils n'ont pas été chanceux. Il a dit: «Vous allez en bicyclette, vous tournez la tête et vous foncez dans un camion. C'est ça qui est arrivé. Bête de même.»

Quarante milliards envolés. Ce n'est la faute de personne. C'est la faute du camion. Qu'est-ce qu'il y avait, dans le camion? Du papier commercial? Avez-vous entendu quelqu'un piquer une crise après avoir entendu ces excuses qui n'en sont même pas? Personne. Il y a bien le solidaire Amir, qui a levé le ton un peu. Mais ce n'était pas une vraie crise. C'était une crisette. Une crisette à cinq cennes. Pas une crise à 40 milliards.

Où est Germain Houde quand on a besoin de lui? Vous avez vu Germain Houde dans Les Invincibles, la fois où il corrige son fiston? Au gala Artis, on a déclaré cette scène «le pétage de coche de l'année». Le père de P.A. est tellement excédé par son grand irresponsable fils de 30 ans qu'il lui donne la fessée. Il l'allonge sur le lit et lui tape le derrière avec rage et énergie. Germain Houde aurait dû faire ça avec Henri-Paul Rousseau: «Viens ici, mon petit gars! T'as perdu 40 milliards! Quarante milliards de l'argent à papa! Quin! Quin! Ça t'apprendra!»

Ça, c'est une crise. Germain Houde aime son gars quand même. On aime bien M. Rousseau aussi. On n'a rien contre lui. Ça semble un bon monsieur, mais 40 milliards, bondance, faut ben qu'on se défoule un peu!

Quarante milliards, divisés par sept millions de Québécois, ça donne 5714$. Ce n'est pas rien, 5714$, ça permet d'avoir une chambre avec vue sur la mer pendant quatre jours et quatre nuits à Cannes. Imaginez le fun qu'on aurait eu.

Cela dit, même si Henri-Paul Rousseau avait raison, même si ce n'était pas vraiment sa faute, ce n'est pas grave, Germain Houde lui donne la fessée quand même et on la donne aux autres aussi: Jérôme-Forget, Charest, les sous-ministres, les comptables, les analystes, amenez-les tous. Même les péquistes! On fait comme dans les grosses familles. Quand on ne sait pas qui a fait le mauvais coup, quand tout le monde dit que c'est pas lui c'est l'autre, on donne une fessée collective. Tout le monde sur le ventre, go! Un peu de communisme pour replacer le capitalisme, ça ne peut pas faire de tort.

Germain Houde pourrait, un coup parti, donner aussi la fessée à Michael Sabia, le nouveau patron de la Caisse. À titre préventif. Pour être certain que ça ne se reproduise pas. Avant de s'asseoir dans le grand fauteuil moelleux du président de la Caisse, mieux vaut avoir les fesses endolories un peu, on reste plus sensible à ce qui se passe autour, dans le vrai monde.

C'est ça, la solution à la crise: une autre crise. Combattre le feu par le feu. Combattre la crise des milieux financiers par une crise à la Germain Houde. La crise des milieux cassés et tannés de l'être. Que Germain donne la fessée à tous ces banquiers, ces spéculateurs, ces investisseurs qui ont voulu faire trop de profits. Mes grands bébés gâtés, vous allez apprendre à regarder en avant quand vous êtes en vélo! Lance Armstrong, il ne fonce pas dans les camions. Si vous êtes à la tête de toutes ces caisses, banques et compagnies, c'est parce que vous êtes censés être des Lance Armstrong de la finance. Pas des mononcles Jacques Villeneuve!

Vous avez les gros salaires, les actions, les primes d'arrivée, les indemnités de départ, les jets privés et les parachutes dorés, parfait. Mais trompez-vous pas! Et surtout ne faites pas payez vos erreurs par les plus petits.

Ce n'est pas un appel à la révolution. C'est un appel à l'évolution. À la responsabilisation. Arrêtons de tout gober. De laisser les autres décider. Voyons à nos affaires. Mettons le pied par terre. Il faut s'affirmer. Ajouter un peu de pression. Bien sûr, il ne faut pas fesser pour vrai. On parle ici de fessée morale. De respect.

Il n'y a pas plus grand coeur que le père de P.A. dans Les Invincibles. Mais à un moment donné, trop, c'est trop. Il faut mettre ses culottes et baisser celles de ceux qui exagèrent.

Messieurs les puissants, ça va faire! Faites ce que vous voulez avec votre cash, mais quand c'est notre argent, il faut que vous y fassiez attention. Et que vous marchiez les fesses serrées.

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