Je ne connais absolument rien à l'économie, mais je vais vous en parler quand même. Je ne suis sûrement pas le premier chroniqueur à écrire sur un sujet dont il ignore tout, mais sûrement l'un des premiers à l'avouer d'emblée.

L'argent n'est rien d'autre que la matérialisation du désir collectif. C'est une unité pour mesurer l'envie que l'on a d'acquérir un objet ou un service. On désire 10 fois plus rouler en Ferrari qu'en Lada. Alors une Ferrari coûte 10 fois plus cher qu'une Lada. Les équipes de la LNH désirent 10 fois plus obtenir Sydney Crosby que Brian Smolinski, alors ça coûte 10 fois plus cher pour l'obtenir. C'est un rapport de force. Tout simplement. Qui a peu à voir avec la qualité ou l'aspect essentiel des choses et des êtres.

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Ça me fait toujours rire quand les gens se scandalisent en comparant le salaire des médecins à celui des joueurs de hockey. Ça ne se compare pas. Heureusement. Si la loi du marché primait dans le domaine de la santé, les médecins gagneraient 1000 fois plus que les joueurs de hockey.

Vous êtes en train de saigner et vous avez à choisir entre acheter des billets pour le match contre Boston ou vous faire soigner, que choisissez-vous? Vous faire soigner, bien sûr. La position du médecin est tellement avantageuse que la société a décidé de la réglementer pour que tout le monde puisse arrêter de saigner.

Imaginez si les médecins étaient aussi libres de marchander leur talent que Tiger Woods ou Angelina Jolie. S'ils avaient des agents pour négocier avec les patients: Vous savez que mon client, le Dr Bérubé, est vraiment le meilleur pour opérer les cancers du côlon. Son taux de réussite est de 95%. C'est avec lui que vous avez le plus de chances de rester en vie. Combien vaut votre vie? Un million, c'est pas tant que ça, quand on y pense. Si vos amis vous aiment autant qu'ils le disent, qu'ils se cotisent. Vous pouvez étaler ça sur cinq ans comme chez Léon. Pensez-y! Je ne veux pas mettre de pression. Vous en faites assez comme ça! Mais plus longtemps vous y pensez, plus vous risquez d'y passer...

Et si les médecins pouvaient arranger les prix entre eux, comme les pétrolières. Une opération du coeur, c'est 100 000$. Sinon, allez voir un vétérinaire.

Entre deux injustices, il faut choisir la moindre. C'est pour éviter que notre monde ressemble à ça que les médecins sont injustement payés. Et les professeurs, et les policiers, et les pompiers, et tous ceux qui ont un rôle civique, beaucoup plus important que celui de mettre une rondelle dans un filet. Le sport professionnel est une business. La santé, l'éducation, la protection des citoyens n'en est pas une. Du moins, pas encore.

L'argent n'est pas justice. L'argent est opportunisme. De toute façon, l'argent ne fait pas le bonheur. C'est l'amour qui le fait. Mais comme les gens manqueront toujours plus d'amour que d'argent, ils préfèrent être des malheureux riches plutôt que des malheureux pauvres. L'amour, on ne sait pas où le trouver. Tandis que l'argent, ça se gagne, ça se vole, ça s'amasse. Et plus on en amasse, plus on a l'impression de valoir quelque chose. C'est cette course effrénée au profit qui est en train d'ébranler Wall Street. Trop, c'est trop.

L'incarnation de l'obsession de la richesse, de la spéculation à outrance, c'est la Bourse. Avant, le monde des affaires appartenait aux entrepreneurs. À des hommes qui avaient des idées. Un type a eu l'idée de faire une voiture économique. Un type a eu l'idée de faire un journal différent des autres. Un type a eu l'idée de faire une motoneige. Leurs idées étaient bonnes, les gens en ont voulu, alors ils sont devenus riches. C'est ben correct. Tant mieux pour eux et pour leur famille. Pour s'assurer que leurs travailleurs ne se fassent pas exploiter, les syndicats se sont formés. Jusque-là tout est simple: il y a le boss, l'union et le consommateur.

C'est quand l'entreprise d'un visionnaire devient une entreprise inscrite à la Bourse que ça se complique. Parce que trop de monde s'en mêle sans être humainement lié à la réalité de la compagnie. Ça permet de prendre de l'expansion, mais l'expansion a ses limites.

La business n'appartient plus vraiment au boss qui l'a imaginée, la business appartient à des centaines d'actionnaires dont la seule idée est de faire de l'argent tout le temps. Ce n'est plus un produit auquel on croit que l'on vend, c'est un risque financier que l'on prend. Pour ces hommes d'affaires, le produit ou le service n'est plus vraiment important. Et le consommateur, encore moins. La seule priorité, c'est le rendement.

Une business qui fait 10 millions de profits par année, c'est assez pour faire vivre le boss. Une business qui fait 10 millions trois années de suite est une business qui stagne, pour ses actionnaires. On investit dans ce qui augmente. Pas dans ce qui ne bouge pas. Alors on vend ses actions et la compagnie prend le bord. Et on cherche une autre façon de faire une piastre vite. Sans idée.

Les compagnies ne sont plus gérées par les entrepreneurs inspirés qui les ont créées mais par des stratèges du profit à tout prix. On leur donne des ponts d'or pour qu'ils soient capables de générer toujours plus de cash. Mais y a un boute à toute! Une motoneige, ça reste une motoneige. Un hamburger, ça reste un hamburger. Il y a des limites au pognon qu'on peut en tirer.

Qui va payer pour tous ces administrateurs trop avides qui, en voulant faire la passe, on fait l'impasse? Le gouvernement. Avec quel argent? Celui du peuple. C'est odieux. Ce sont les gens ordinaires qui paient pour qu'on continue à leur faire payer trop cher la vie.

Il faut arrêter de spéculer et se remettre à créer. Conclusion: moi qui ne connais rien, je pense qu'il faut fermer la Bourse. La Bourse ou la vie? On en est là.