Une image de Pat Burns me restera toujours gravée dans la mémoire. C'était au temps où les représentants des médias, beaucoup moins nombreux qu'aujourd'hui, voyageaient avec l'équipe tant aimée.

Nous étions à nos places assignées, c'est-à-dire tout au fond de l'autobus, et un collègue assis à mes côtés se plaignait du fait que Burns avait répondu trop brièvement à ses questions. Il se plaignait, mais sa voix aiguë portait jusqu'à l'avant du véhicule, encore à moitié vide, où était installé l'entraîneur du Canadien.

C'est alors que j'ai vu un taureau s'amener à toute vitesse dans l'allée centrale et se diriger vers nous...

«Guy, si tu ne fermes pas ta gueule tout de suite...»

Silence...

Une heure plus tard, Burns, sincèrement désolé, s'excusait auprès de mon collègue. Ils s'aimaient bien tous les deux, ils venaient du même quartier, leurs pères avaient travaillé à la même usine à Saint-Henri.

Burns s'excusait et s'excusait encore. L'expression «dur au coeur tendre» a peut-être été créée pour lui.

Tendre et vachement intimidant. Même John Kordic en avait peur.

Mais de tous les entraîneurs du Canadien que j'ai croisés, Pat Burns était de loin le plus drôle et le plus attachant en privé. Toujours une étincelle dans l'oeil, prêt à vous faire une remarque «off the record» que vous n'alliez jamais oublier.

Lorsque mes copains me demandaient comment était Pat Burns, je leur répondais que s'il était ici avec nous ce soir, vous voudriez être son ami pour la vie.

Parce que celui que les médias de Toronto ont surnommé le «bougon», «Forrest Grump», avait un charisme irrésistible. Qui aurait cru que cet homme, qui massacrait joyeusement la langue française, allait devenir l'un des analystes les plus populaires de la très correcte Radio-Canada? Nous avions dans l'écran un homme authentique et le public l'appréciait.

Burns a été brièvement chroniqueur à La Presse, surtout pour épater Mme Burns, sa mère francophone et la seule personne au monde qu'il craignait, une abonnée de La Presse depuis toujours. Il avait confié à sa plume - c'est-à-dire moi - que sa mère lui avait demandé s'il écrivait lui-même ses chroniques...

«Voyons donc, M'man, tu sais très bien que j'écris trop mal...»

***

Cet homme étonnant était, contre toute attente, en faveur de l'abolition des bagarres au hockey. Lui, l'ancien homme fort du hockey junior...

S'il était présent aujourd'hui pour débattre du sujet, il serait un porte-parole du clan contre les bagarres.

Burns trouvait tout ça inutile, que ça ne servait à rien et surtout pas à prouver son courage et sa virilité. Bref, il trouvait cette tradition un brin «niaiseuse».

Un récent sondage nous a appris ce que nous savions déjà: l'Outaouais est la région la plus criminalisée et violente du Québec. Burns y avait fait ses débuts comme policier, immédiatement en sortant du hockey junior. Il avait infiltré des bandes de criminels. Parlez-moi de courage...

Parmi les histoires fascinantes qu'il racontait si bien, il y en avait plusieurs de son époque de policier à Hull et Gatineau.

***

Le Temple de la renommée du hockey se devait d'introniser Pat Burns. Sa superbe carrière s'est déroulée dans des villes où la pression est énorme.

La pression... Il la supportait plutôt bien, il n'était pas contre un bon scotch pour terminer la journée. C'était le moment de l'accompagner et d'écouter. Vous auriez voulu être son ami pour la vie...

On dit parfois que la maladie a choisi la mauvaise personne. C'était le cas pour Pat Burns.