Si vous pensez que le tir à l'arc est un sport pépère, sachez qu'il faut tirer l'équivalent d'une pression de 51 livres. À 200 fois par jour, pendant trois jours comme lors des qualifications olympiques de ce week-end, on parle de tonnes. Les archers font sérieusement de la musculation s'ils veulent devenir olympiens ou champions du monde. Il ne faut pas trembler...

La réunion avait lieu au parc Pierre-Bédard du Nouveau-Rosemont, dans le champ même qui servait de terrain d'entraînement lors des Jeux olympiques de 1976... Les Jeux ont laissé des traces chez nous, même si elles ne sont pas toujours faciles à retrouver.

Le tir à l'arc, par exemple, fait partie de ces sports qui ont été oubliés après la grande fête. Heureusement, il y a le film Hunger Games...

«Ça nous cause un agréable problème, nous dit une membre-dirigeante de la fédération canadienne. Il y a trop de demandes. Des jeunes... Nous ne pouvons pas tous les accueillir présentement. Le film Lord of the Rings avait produit le même effet...» (Et Robin des Bois? , pourrait-on se demander...)

Six femmes et huit hommes se disputaient les deux places canadiennes aux Jeux. Parmi les hommes, Crispin Duenas, de Toronto, fait partie de l'élite mondiale.

Chez les femmes, Marie-Pier Beaudet, de Lévis, élégante et de rose vêtue, 24 ans, a déjà participé aux Jeux d'Athènes et de Pékin.

«Il n'y a pas beaucoup de relève au Canada, le film tombe bien. Je connais l'entraîneuse des acteurs...

«Le tir à l'arc est un sport dispendieux. L'arc coûte 3000 $ et les flèches, 500 $ la douzaine. Il m'en coûte entre 20 000 $ et 30 000 $ par année pour entretenir mon rêve olympique.»

Marie-Pier est entraînée par son père et travaille dans un magasin de sport de Québec (ADM Sports). Elle vend des motos. Un gym d'Énergie Cardio lui offre un abonnement gratuit pour un an.

«C'est drôle à dire, mais être olympienne ne m'aide pas à trouver un emploi. La plupart des employeurs ne veulent pas s'adapter à nos calendriers.»

Sachez aussi qu'elle doit défrayer les coûts de son voyage à Montréal pour se qualifier. «Il paraît que la fédé va recevoir de l'argent. On attend pour voir...

«Je tire à l'arc six jours par semaine pendant trois heures. Je fais aussi du spinning (quatre fois/semaine) et de la musculation (trois fois/semaine) au gymnase.

«J'ai préféré la compétition de Pékin à celle d'Athènes. Les installations étaient neuves et parfaites pour nous. En Grèce, nous étions dans un vieux stade où il ventait sans arrêt.» (Le vent, mes amis, est l'ennemi de l'archer...)

Marie-Pier a obtenu la 20e place à Pékin (sur 64 participantes) et elle en était très satisfaite. (Sachez aussi que chez les femmes, les Sud-Coréennes dominent outrageusement le tir à l'arc. Il s'agit d'une antique tradition, du sport national et d'une matière obligatoire à l'école... Chez les hommes, la compétition est plus balancée entre les Sud-Coréens, les Américains (et leur entraîneur sud-coréen) et plusieurs pays d'Europe.)

Il ne ventait pas hier, il faisait un beau soleil, mais le jeune archer de Rosemont était trop dans sa bulle pour parler à un journaliste... Patrick Rivest-Bunster, 26 ans, a terminé la journée au deuxième rang. Il reste une autre journée de compétition et son deuxième rang protégé pourrait lui valoir le poste de substitut à Londres...

«J'habite à cinq minutes du parc Pierre-Bédard. Je me suis inscrit au club quand j'étais jeune.

«En juin, nous serons à Ogden, dans l'Utah, pour tenter de classer le Canada dans l'épreuve en équipes. Il y a trois places disponibles. Si nous en obtenons une, je serai de l'équipe canadienne, c'est assuré.»

Si vous passez dans le coin de Lacordaire aujourd'hui, arrêtez voir les archers canadiens et leurs engins à 3000 $, leurs flèches en carbone...

Ils se tiennent à 70 mètres de la cible et ne la ratent jamais. Les arcs et les flèches font de jolis sons...

Photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Âgée de 24 ans et originaire de Lévis, Marie-Pier Beaudet a obtenu la 20e place lors des Jeux olympiques de Pékin, en 2008.