Elle s'appelle Walaa. Jeune effrontée palestinienne, drôle, entêtée et attachante, qui a grandi dans un camp de réfugiés en Cisjordanie alors que sa mère était en prison. Elle a un rêve, qu'on lui dit être un rêve de garçon : devenir policière dans les Forces de sécurité palestiniennes.

Walaa avait 15 ans lorsque, pour la première fois, la cinéaste torontoise Christy Garland l'a rencontrée. C'était en 2012, dans un camp de Naplouse où la jeune fille participait à un atelier de nouvelles technologies mis sur pied par des amis de la documentariste. « Elle m'est immédiatement apparue comme une protagoniste très forte. Je me suis informée un peu plus à son sujet. J'ai su que sa mère venait juste d'être libérée de prison. Et j'ai trouvé qu'elle avait une personnalité vraiment intéressante, énergique. J'étais curieuse d'en savoir plus sur elle et sur ce qu'elle voulait faire de sa vie. »

C'est ainsi qu'est né le film Le rêve de Walaa, qui sera présenté en ouverture des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) le 8 novembre. Un documentaire intimiste fascinant qui suit le parcours d'une jeune Palestinienne de 15 à 21 ans. Une jeune femme fière et résiliente qui tente, envers et contre tous, de se frayer un chemin dans un univers marqué au fer rouge par l'occupation israélienne.

« C'est une délinquante en hijab. Si elle arrive à se faire admettre dans les Forces de sécurité palestiniennes, ce sera une mauvaise policière, une flic pourrie. » 

Cette condamnation sans appel d'un collègue à qui la cinéaste avait présenté la bande-annonce de son film, Christy Garland l'a reçue comme un cadeau qui l'a amenée à se concentrer sur les raisons pour lesquelles elle a fait ce documentaire. Car pour elle qui s'est attachée à Walaa, cette histoire, loin d'être celle d'une « délinquante en hijab », est d'abord et avant tout une histoire positive, stimulante et pleine d'humour d'une fille qui a un rêve dans un monde où il peut sembler difficile de rêver. C'est aussi une rare incursion dans le conflit israélo-palestinien à travers les yeux d'une jeune femme.

Même si le film ne porte pas tant sur le conflit que sur l'histoire de Walaa, il a, à cause du passé de Latifa, la mère de Walaa, forcément un caractère clivant. Latifa a passé huit ans dans une prison israélienne pour avoir été complice dans la planification d'un attentat suicide qui n'a pas eu lieu. Elle a été libérée en octobre 2011, en même temps que 1026 autres prisonniers palestiniens, dans le cadre d'une entente entre le Hamas et Israël pour obtenir la libération d'un soldat israélien. Usée par ses années d'incarcération, on la voit tentant de transmettre avant sa mort à sa fille - elle est décédée le 26 septembre dernier - les leçons qu'elle a apprises à la dure. « Elle essaie d'enseigner à sa fille que les mots sont plus puissants que la force et la violence pour résoudre les conflits », souligne Christy Garland.

En humanisant des protagonistes qui ont aussi leur part d'ombre, la cinéaste savait qu'elle s'aventurait en terrain miné. Mais il n'était pas question pour elle de gommer la complexité de l'histoire pour se contenter d'un récit lisse et simpliste. 

« La seule raison pour laquelle on fait des documentaires, c'est justement pour que les gens réalisent que les choses sont plus compliquées que ce qu'on voit aux nouvelles. »

Le film ne cache pas la violence. Il ne la glorifie pas non plus. « Ce que le film essaie de montrer, c'est la façon dont ce cycle constant de violence, l'occupation, la résistance palestinienne, les représailles, comment tout ça affecte la vie d'une jeune fille. On voit le monde de Walaa à travers ses yeux. On voit ce qui est sa normalité. »

À travers ses yeux, on voit beaucoup de violence. Ce qui n'empêche pas le film d'être ponctué de moments où l'humour de Walaa, rebelle au mascara, prend le dessus sur tout le reste. Comme cette fois où, rappelée à l'ordre par l'école de police pour avoir enfreint la règle interdisant le mascara ou toute autre forme de maquillage, elle ne peut s'empêcher de répliquer du tac au tac : « Ça donne du volume aux cils ! » Des sacrifices pour entrer dans le moule de la police, OK, peut-être. Mais des concessions sur son mascara, ça, jamais !

Bien que Walaa ait grandi sans mère et sans horizons dans la misère et la violence quotidienne, elle n'a rien d'une victime. Dans des images télévisuelles d'archives, on la voit à 8 ans, le jour de la fête des Mères, pleurer à chaudes larmes en racontant à quel point elle est triste de ne pas avoir sa mère à ses côtés. En même temps, on sent chez elle une force pas du tout tranquille. Dès l'enfance, elle se montre anticonformiste. À l'aube de la vie adulte, la dernière chose qu'elle veut faire, c'est ce qui est attendu d'elle : qu'elle se marie et ait des enfants. Même si son entourage tente de l'en dissuader, elle s'entête à se frayer un chemin jusqu'à l'école de police.

On la voit dans son parcours en montagnes russes s'accrocher à ce rêve, lutter contre ses démons, continuer à défier des règles et apprendre à en respecter d'autres. On la voit, dans toutes ses contradictions, avoir envie de tout abandonner, puis se ressaisir. On la voit être arrêtée et envoyée à son tour dans une prison israélienne pour 15 jours, après une altercation avec un soldat, à la suite de l'arrestation de son propre frère.

À la toute fin du film, dans une scène qui apparaît comme une métaphore du conflit en toile de fond, on voit Walaa s'assagir et tenter de résoudre une dispute entre voisins par les mots plutôt que par la force.

« Vous devez essayer de vous parler...

- On a essayé, mais le problème a continué. »

Et on comprend finalement que le rêve ultime de Walaa, c'est d'essayer encore et encore. Jusqu'à ce que paix s'ensuive.