À Montréal, un citoyen peut savoir en un seul clic si son restaurant préféré a été condamné pour insalubrité. Il peut, en un seul clic aussi, s'assurer que l'animalerie du quartier traite bien ses chiots. Mais impossible pour lui de savoir si une garderie en milieu familial subventionnée par l'État traite bien les enfants. Cherchez l'erreur.

Ce manque de transparence n'est qu'un des faits inquiétants mis en lumière par le reportage de Radio-Canada sur une fillette de 4 ans victime d'attouchements sexuels dans une garderie familiale subventionnée de Montréal. Ce n'est pas le plus inquiétant. Le plus inquiétant, c'est qu'un tel cauchemar puisse se produire et qu'en dépit des plaintes des parents, la garderie fautive ait pu continuer à accueillir des enfants comme si de rien n'était.

«Excessivement troublant.» Ce sont les mots employés par la ministre de la Famille pour qualifier le reportage de ma consoeur Tamara Alteresco. Répondant à l'appel des parents en colère qui demandaient à Québec un meilleur contrôle des garderies en milieu familial, Francine Charbonneau s'est engagée à revoir l'ensemble des règles de sécurité et de surveillance des enfants dans les services de garde.

On peut se réjouir du fait qu'un reportage ait réussi à faire bouger les choses. En même temps, ce qui me trouble, c'est qu'il faille des cas aussi graves pour que Québec se décide à agir.

L'an dernier, ma collègue Ariane Lacoursière avait fait un reportage sur des services de garde en milieu familial qui avaient vu leur permis révoqué ou suspendu à la suite d'infractions. Les cas rapportés étaient ahurissants. Il y avait l'histoire de cet homme ayant un casier judiciaire et qui, même s'il n'avait pas le droit de se trouver en présence d'enfants, abattait des arbres à la tronçonneuse à côté des petits de la garderie en milieu familial de son ex-conjointe. Il y avait l'histoire de cet enfant qui hurlait, couché sur le ventre, attaché avec des sangles dans une poussette en attendant que ses parents viennent le chercher.

Dans bien des cas, il avait fallu des mois, voire des années pour que le permis du service de garde soit suspendu. Combien de temps avant de fermer une garderie où la responsable avait l'habitude d'attacher un enfant de deux ans et demi dans sa chaise pendant qu'elle faisait sa sieste au sous-sol avec les autres? Deux ans... Du temps précieux dans la vie d'un enfant, perdu à tout jamais.

Même en cas d'infractions encore plus graves, il est inquiétant de constater que les parents sont tenus dans l'ignorance. Depuis 2009, les rapports d'inspection des centres de la petite enfance et des garderies privées peuvent être consultés sur le site du ministère de la Famille, mais pas ceux des services de garde en milieu familial subventionnés. C'est d'autant plus absurde que ces garderies reçoivent des fonds publics et ont des responsabilités tout aussi importantes.

Comment se fait-il que l'on n'exige pas davantage de transparence? Comment se fait-il que nous n'ayons pas des mesures de contrôle de qualité plus efficaces? Comment se fait-il que nous n'exigions pas une meilleure formation des responsables de services de garde? Comment se fait-il que l'on tolère qu'une majorité de services de garde soient de qualité «passable» ?

«S'il faut resserrer des règles, on va le faire», a dit hier la ministre Charbonneau, en invoquant la «sécurité des enfants».

En abordant uniquement la question sous l'angle sécuritaire, la ministre passe sous silence la question de la formation des responsables des services de garde en milieu familial. Cet enjeu ne semble pas la préoccuper. Il est pourtant fondamental. En ce moment, une personne n'a même pas besoin d'un diplôme de 5e secondaire pour diriger un service de garde en milieu familial. Seule une formation de 45 heures, souvent de piètre qualité, est requise. Les exigences sont moindres que pour les éducatrices en CPE ou en garderies privées, alors que les responsabilités sont beaucoup plus importantes. C'est tout à fait inconséquent.

On aura beau ajouter des règlements et resserrer la surveillance, on aura beau avoir le meilleur mécanisme de plaintes du monde et punir tous ceux qui font preuve de négligence, cela ne règle pas le problème en amont. Le meilleur service que l'on puisse rendre à des enfants, c'est de leur offrir des services éducatifs de qualité. La moindre des choses serait d'exiger que ceux à qui l'État confie cette mission importante aient la formation adéquate pour le faire.

relkouri@lapresse.ca