Vous avez peut-être vu Catherine, Olivier et leur fille Maëlle en une de La Presse, il y a un mois. Maëlle, 12 ans, atteinte de myasthénie grave, était alors en attente d'une importante intervention chirurgicale au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine. Et sa famille venait d'apprendre dans un corridor que, par manque de personnel aux soins intensifs, cette opération qui représentait l'espoir pour elle devait une fois de plus être reportée. Désolé, il faudra remettre l'espoir à plus tard...

«Inhumain.» C'est le mot employé par Catherine Kozminski, indignée, pour qualifier la situation que sa famille a vécue. Dans les médias, malgré l'épuisement, malgré l'inquiétude, malgré son envie de fondre en larmes, elle a mis son masque de «super mère» pour donner un visage à ces drames quotidiens que le personnel soignant, les patients et leurs proches connaissent trop bien.

Maëlle a finalement subi son opération le 6 mars dernier. Il s'agissait d'une thymectomie, soit l'ablation du thymus, pour calmer son système immunitaire. Tout s'est bien passé. Catherine n'a que des bons mots pour l'équipe de chirurgie du CHU Sainte-Justine et le personnel soignant.

Maëlle a pu retourner à l'école lundi dernier. Fébrile, mais heureuse. Et forte d'un nouvel espoir auquel ses parents ont trinqué.

Pour Catherine, l'histoire ne s'arrête pas là. Ce n'est pas parce que Maëlle a finalement subi l'opération tant attendue qu'elle va s'asseoir dans un coin et se taire. Elle prenait à coeur ce combat depuis longtemps, bien avant la tourmente du mois dernier. Ironie du sort, c'est cette semaine qu'elle publie un livre intitulé Soutenir et accompagner l'enfant malade - Maëlle et la Bête, sur lequel elle travaille depuis cinq ans. Un livre écrit en collaboration avec le Dr Sylvain Palardy et le Dr Élie Haddad dans lequel elle milite pour l'humanisation des soins de santé. Une question qui, on l'aura compris, n'a absolument rien de théorique pour elle.

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On voit rarement des malades ou leurs proches touchés de près par les coupes en santé descendre dans la rue pour manifester. Il est peu probable qu'il y ait un printemps des patients comme on a vu un printemps étudiant. Combattre la maladie est déjà épuisant en soi. Ça ne laisse en général ni beaucoup de temps ni beaucoup d'énergie pour manifester, rédiger des plaintes, envoyer des lettres aux journaux...

Les terribles conséquences des coupes n'en sont pas moins réelles, quoi qu'en dise le ministre de la Santé. Le personnel soignant est plus débordé que jamais. Il tente de faire ce qu'il peut avec des moyens restreints. Stressé, il peut devenir imperméable à la souffrance des autres pour se concentrer uniquement sur sa tâche quotidienne. Graduellement, cela donne lieu à une déshumanisation des soins, écrit à ce sujet le Dr Élie Haddad, chef du service d'immunologie-rhumatologie-allergologie du CHU Sainte-Justine. «Je sais que nos dirigeants hospitaliers connaissent ces aspects, mais je ne suis pas certain que nos dirigeants politiques aient vraiment conscience que les "coupes" budgétaires ont pour effet secondaire majeur - permettez-moi ce langage médical - une déshumanisation des soins.»

Il n'y aura pas de printemps des patients, disais-je. Quoique, avec Catherine, on ne sait jamais...

Il y a des gens que la maladie va rendre apathiques. Pour cette mère et professeure de cégep qui mène mille projets en même temps, c'est tout le contraire. La maladie la rend hyperactive. Plus le vent souffle, plus elle s'indigne.

Et pour souffler, il souffle, se dit-on en lisant le récit de ses cinq dernières années à combattre la «Bête», le nom qu'elle a donné à la myasthénie grave qui touche Maëlle. Comme bien des familles qui accompagnent des enfants malades, Catherine a eu son lot d'épreuves. Il y a eu des jours où elle a pensé mourir de peine. Moi qui l'ai interviewée il y a plusieurs années pour une chronique qui n'avait rien à voir avec la maladie - bien avant que sa fille autiste ne soit happée par la «Bête» -, je me suis toujours demandé comment elle faisait. D'où lui venait cette énergie. J'ai finalement compris que c'est sa fille et tous les enfants qu'elle côtoie à l'hôpital qui la lui donnaient. «Un enfant malade ne se résigne pas», me dit-elle. Une grande leçon de vie.

Catherine aimerait maintenant que son combat contre la «Bête» puisse aider d'autres familles. Elle rêve que l'humanisation des soins de santé devienne une priorité. Parce que pour une Maëlle dont l'histoire fait la une, combien d'autres dont les familles vivent des situations semblables en silence? Le véritable scandale, n'est-ce pas que ce genre de situations inhumaines soit devenu banal dans notre système de santé?

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Les redevances du livre Soutenir et accompagner l'enfant malade - Maëlle et la Bête (Éditions CHU Sainte-Justine), écrit avec la collaboration du Dr Sylvain Palardy et du Dr Élie Haddad, seront remises au Fonds Maëlle Adenot pour l'humanisation des soins à l'hôpital Sainte-Justine. Le lancement officiel aura lieu le 25 avril lors du Grand Bal des Papillons pour Sainte-Justine, organisé par Catherine Kozminski.