Ça s'appelle «HeForShe». Lui pour elle. Il s'agit de la première campagne de l'ONU qui invite les hommes à appuyer le combat pour l'égalité des sexes. Une campagne portée par l'actrice Emma Watson, dont le discours poignant aux Nations unies, samedi, a suscité bien des vagues.

Peu après ce discours, Emma Watson a été la cible de menaces mystérieuses et misogynes aux airs de déjà-vu. «Emma, tu es la suivante», disait un site qui semblait prêt à publier des photos de l'actrice nue pour la punir de sa prise de parole. Hier, de nouvelles informations laissaient entendre que tout ça n'était qu'un canular monté par une fausse société de marketing pour des raisons qui demeurent nébuleuses.

Vraies ou fausses menaces? Peu importe l'intention, il me semble que l'effet est le même. La menace, même lorsqu'elle n'est que canular de mauvais goût, n'en est pas moins dommageable. Elle mérite tout autant d'être dénoncée.

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On écoute le discours féministe d'Emma Watson et on se dit que ça va de soi. Qui donc aujourd'hui peut être contre l'égalité hommes-femmes? Et pourtant, comme l'a souligné l'actrice, même si ça semble aller de soi, on constate que le féminisme a trop souvent mauvaise réputation, comme s'il s'agissait d'un mouvement voué à la haine des hommes.

«S'il y a quelque chose dont je suis convaincue, c'est que cela doit cesser, a dit Emma Watson. Puisque le féminisme est, par définition, la croyance que les hommes et les femmes devraient avoir les mêmes droits et les mêmes chances.»

Est-il possible de rassembler un milliard d'hommes qui en sont tout aussi convaincus et qui s'engageraient à agir pour mettre fin à la discrimination à laquelle les femmes et les filles se heurtent dans le monde? C'est le pari que fait HeForShe en disant haut et fort que l'égalité des sexes n'est pas une affaire exclusivement féminine. C'est une question de droits de la personne qui concerne tout autant les hommes.

Le mouvement a déjà attiré plus de 117 000 appuis. Sur le site de la campagne, on peut s'amuser à voir combien d'hommes de chaque pays ont adhéré à la cause. Au moment d'écrire ces lignes, ils étaient 17 800 au Royaume-Uni, 8100 au Canada, 4500 en France. Et un seul homme en Gambie... On le salue.

Évidemment, ces appuis signés sur internet ne veulent pas dire grand-chose. Ce qui est plus intéressant, ce sont tous les débats que cela suscite, les prises de conscience que cela peut éveiller et les gestes qui seront faits. Car si on ne fait rien, a rappelé Emme Watson, 15,5 millions de filles seront mariées de force d'ici 2030. Si on ne fait rien, au rythme où vont les choses, il faudra attendre l'an 2086 avant que toutes les filles vivant dans l'Afrique rurale reçoivent une éducation secondaire. Si on ne fait rien, même dans les pays où l'égalité de droits est acquise, cela prendra des dizaines d'années avant que les femmes puissent espérer obtenir le même salaire que les hommes pour le même travail.

Dans son plaidoyer, Emma Watson a aussi rappelé que les hommes peuvent aussi être prisonniers de stéréotypes sexuels. Le combat pour l'égalité hommes-femmes est aussi un combat pour se libérer de tous ces clichés. Des clichés sur la virilité, par exemple, qui font en sorte que des hommes souffrant de maladie mentale hésitent à demander de l'aide de crainte que cela ne les rende moins «hommes».

Anodin? Non. Quand on regarde les taux de suicide chez les hommes, on constate qu'il y a malheureusement de ces clichés qui tuent.

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Ma chronique sur le tabou du suicide («Et si on en parlait?») publiée il y a quelque temps a suscité un abondant courrier. Dont cette lettre émouvante d'un lecteur qui dit être lui-même mal à l'aise devant la maladie mentale et la détresse psychologique, tout en étant convaincu qu'il faut en parler.

Extrait: «Je demeure à Verdun, et tous les jours, je profite de notre merveilleux bord de l'eau pour marcher pendant deux heures. La semaine passée, en marchant au bord de l'eau, j'ai vu une balle de tennis jaune. Dessus, il y avait des mots écrits au crayon-feutre. La balle était coincée dans des herbes près du rivage. J'ai réussi à la prendre et j'ai lu: «ADIEU IDÉE SUICIDAIRE»...

«Ça m'a chaviré.

«J'ai lancé la balle vers le large, le plus loin possible, en espérant de tout coeur que la thérapie a fonctionné et que la personne a encore l'espoir de s'en sortir.»

Consultez le site de la campagne HeForShe de l'ONU