Le gymnase était tel un sauna. Des parents s'étaient fait des éventails avec les paroles d'une chanson. À certains moments, ils les agitaient si fort que l'on aurait cru voir des oies sauvages s'en échapper. «Elles arrivent au printemps/Sur les ailes du vent/Par les routes de l'air...»

Au-dessus de la scène, tout au fond de l'étuve, un «Bonnes vacances» en lettres majuscules ensoleillées. Nous avons pris place au parterre. Des enfants aux joues rouges ont fait leur entrée dans le gymnase. Beaux comme une volée d'oies.

Les filles avaient mis leur jolie robe d'été. Les garçons, leur chemise des grands jours. Excités comme si c'était Noël sous les tropiques de leur école primaire.

Toute l'année, ils ont appris à lire et à compter, à se tromper et à recommencer. Toute l'année, des enseignantes les ont guidés, épaulés, aimés. L'heure était venue de se dire au revoir et merci. Dernier tour de chant avant de se jeter dans les bras de l'été.

Certains avaient des papillons dans l'estomac. Tous avaient des petites étoiles dans les yeux. Salutations et sourires furtifs au public qui cuisait à feu doux.

On ne savait pas ce qui nous attendait. Mes deux petits cachottiers de 6 et 8 ans avaient tenu à ce que le programme du spectacle reste top secret. Embargo le plus complet jusqu'à la porte du sauna. Compris, maman?

Des petits de maternelle sont montés sur scène les premiers. L'air solennel, du haut de leurs 5 ou 6 ans, sous le regard bienveillant de leur prof de musique qui n'avait ménagé aucun effort pour que le concert soit mémorable.

Un petit garçon s'est avancé sur la scène et a annoncé au micro plus haut que lui que ce serait la chanson des Trois petits chats. «Un, deux, trois, trois petits chats, trois vilains petits fripons... L'autre nuit, sans un bruit...» Les petits chats battaient le rythme et jouaient aux mimes en suivant les moindres gestes de leur enseignante. Frissons. Yeux humides. Silence ému. Applaudissements.

Arrivèrent ensuite, tout droit sortis d'une autre classe de maternelle, une bande de joyeux dromadaires, qui avançaient dans le désert en chantant: «Vous n'avez pas vu la mer?»

Et puis, tour à tour, le petit veau qui voulait faire du bateau. Et madame la souris qui a perdu son balai. Et la fourmi qui joue de l'orgue de Barbarie... À leurs côtés, la prof de musique, femme-orchestre de la ménagerie, qui dirigeait le tout avec patience et poésie. On lui a remis un bouquet de jonquilles. Sans doute que si on avait pu, on lui aurait offert tout un champ.

À la fin du spectacle, il devait faire 60 degrés dans le sauna. Le temps était venu de déplier l'éventail pour chanter Les oies sauvages. Jolie chanson de Mes Aïeux dont les paroles s'inspirent d'un texte de Félix-Antoine Savard. Un poème qui parle du fil invisible liant ces oies qui trouvent leur chemin «sur les ailes du vent». De la grâce avec laquelle elles se relaient à la tête du peloton. De la force du groupe, qui bombe le torse pour que tous avancent. De l'humilité de l'oie capitaine qui va à la queue de la file lorsqu'elle n'en peut plus. Épuisée, mais fière de voir que malgré les défaites, elle a encore ses ailes.

«Faudra qu'on se console

Et qu'ensemble on s'envole...

Dans les draps bleus du ciel.» La cloche a sonné, comme pour nous rappeler, au cas où on aurait pu l'oublier, que c'était l'heure des vacances. L'heure de ralentir, de laisser mijoter les victoires et les défaites, ce que l'on a appris et ce qu'il nous reste à apprendre.

Des enseignantes émues et épuisées comme des oies capitaines ont cédé leur place. Elles ont serré dans leurs bras leurs élèves. «Mes chers amis, vous êtes grands maintenant, alors je vous dis: bonne vie...»

Sous le soleil brûlant de la cour d'école, le temps s'est alangui. Les vacances attendaient devant la clôture. Il y a eu des larmes et des sourires. Des souhaits et des éclats de rire. D'un même élan, petits et grands se sont envolés vers l'été. «Dans les draps bleus du ciel.»