À l'occasion de la campagne électorale montréalaise, notre chroniqueuse est allée à la rencontre de candidats de chacun des partis qui plongent dans le monde municipal pour la première fois. Voici le deuxième article de la série.

Au lendemain de l'affaire Villanueva, tous les médias ont braqué leur micro sous le nez d'Harry Delva. Et pour cause. Celui qui a fait de la prévention de la délinquance sa spécialité a une grande connaissance du terrain. Vedette de la télé communautaire, il est un excellent communicateur. Et il n'a pas la langue dans sa poche.

 

«Tu devrais faire de la politique», lui a-t-on souvent dit. Courtisé à quelques reprises, il a toujours dit non. Et puis, cette fois-ci, quand la mairesse de l'arrondissement Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension lui a demandé de se présenter sous la bannière de Vision Montréal, il s'est dit que le temps était venu de se lancer. «Si je me trouve là où les gens prennent des décisions, ça va me permettre de mieux comprendre et de pouvoir mieux expliquer à qui de droit ce qu'il faut faire pour pouvoir aider les gens.»

En se présentant comme candidat au poste de conseiller de la ville dans le district de François-Perrault, Harry Delva, 51 ans, veut participer de plus près à la prise de décisions. Il entend tirer profit de sa longue expérience de patrouilleur de rue à la Maison d'Haïti, un organisme communautaire implanté dans Saint-Michel depuis 1972. Le fait d'avoir été sur le terrain auprès de ceux qu'il appelle «ses jeunes» lui permettra d'agir plus rapidement. «On n'aura pas à attendre trois ans pour faire des études et des recherches. Je peux tout de suite le dire: il est là, le problème. Qu'est-ce qu'on fait?»

Sur différentes tribunes, commentant les événements de Montréal-Nord, Harry Delva a déjà dénoncé le décalage entre la politique du Service de police de la Ville de Montréal, qui veut officiellement éliminer le profilage racial, et la réalité sur le terrain. En faisant le saut en politique, il croit, ou du moins espère, que son discours sera mieux entendu. «Ça va être intéressant. Quand on dit ce genre de choses publiquement, devant les médias, est-ce qu'on nous écoute nécessairement? Je ne sais pas. Mais maintenant, je peux peut-être suggérer beaucoup plus facilement certaines choses. Je peux peut-être expliquer le point de vue extérieur. Je pense que c'est ce qui est intéressant: de pouvoir avoir quelqu'un de terrain. Parce qu'être sur le terrain, c'est connaître vraiment ce qui se passe au jour le jour car on est là avec eux.»

«Le terrain.» Le mot revient sans cesse dans la bouche de cet ex-comptable devenu spécialiste en prévention de la délinquance. Plus qu'un simple job, c'est une passion, dit-il. «Si j'en sauve un par année, j'ai atteint mon quota.»

Né en Haïti, Harry Delva est arrivé ici à l'âge de 7 ans. Il a grandi dans le quartier de Saint-Léonard. Sa mère, enseignante en Haïti, s'est recyclée comme infirmière. Son père, aujourd'hui à la retraite, est médecin.

Pour faire plaisir à sa mère, le jeune Harry a fait des études de comptabilité, même s'il n'aimait pas les chiffres. «J'étais très malheureux!» lance-t-il en riant. Dans la vingtaine, il est retourné en Haïti pour quelques années. Il y a travaillé en comptabilité, notamment pour son oncle qui avait une boulangerie. «Je voulais voir c'était quoi Haïti. Finalement, je m'ennuyais tellement du Québec que je suis revenu.»

De retour d'Haïti, Harry Delva a fait des études en criminologie. Et il a commencé à s'intéresser de près aux problèmes de délinquance à Saint-Michel. «Il y avait beaucoup de jeunes qui commençaient à créer du trouble. Des jeunes Noirs et encore plus précisément des Haïtiens.»

Parallèlement à son travail en prévention, Harry Delva a toujours aimé faire de la radio et de la télé comme passe-temps. «Quand j'avais trop de problèmes dans le secteur Saint-Michel, j'arrivais à relaxer en faisant de la télévision.» Durant 10 ans, il a animé l'émission culturelle Noir de monde, sur la chaîne CJNT. Une émission qui a fait de lui une vedette de la communauté haïtienne. On le salue dans la rue, on le félicite. «L'idée, à la base, c'était d'avoir une vitrine où on pouvait parler des choses positives qui se faisaient dans la communauté.»

Harry Delva est fier du travail accompli à Saint-Michel depuis 20 ans. Il croit que les réussites de l'approche communautaire dans son quartier devraient inspirer Montréal-Nord qui vit essentiellement les mêmes problèmes. À ceux qui, dans le débat qui a suivi les émeutes d'août 2008, lui en ont voulu de tenir un tel discours et lui ont reproché de ne pas être «représentatif», il répète sans broncher qu'il est convaincu que ce qui est arrivé à Montréal-Nord ne serait jamais arrivé à Saint-Michel. «Chez nous, à Saint-Michel, il y a une très bonne entente dans le milieu. On a eu le même problème à peu près deux semaines après. La police avait tiré sur un jeune pour pouvoir le maîtriser. Et la situation n'a pas explosé parce qu'une réunion du comité ad hoc du quartier, qui peut répondre très rapidement en cas de problème, s'est faite.»

Autour d'une table, on a réuni les directeurs d'école, les autorités municipales, les policiers et les autres partenaires du quartier. Et comme on le fait toujours en cas de crise, on a fait le point et établi très vite un plan de match. «Par la suite, tant au service de police qu'aux différents organismes, que ce soit à la Maison d'Haïti ou au club sportif Les Monarques, on s'est tous rendus auprès de nos jeunes et on les a réconfortés», raconte Harry Delva. Des activités de basketball et de danse ont été organisées jusqu'aux petites heures. Les policiers sont restés sur place jusqu'à 4h30.

«Si cela avait été fait de l'autre côté, on n'aurait pas eu les débordements, observe Harry Delva. La plupart des jeunes qui participent au basketball aux Monarques sont vraiment des jeunes qui, s'ils n'étaient pas occupés, feraient le trouble.» Même chose au club de boxe L'Espoir mis sur pied par le policier Evans Guercy. «Les jeunes qui se retrouvent là boxeraient ailleurs... Ils seraient dans la rue à faire des mauvais coups.»

Pour Harry Delva, faire de la politique municipale, c'est poursuivre ce même travail autrement. «Je veux être là. Sur le terrain.»