Guy Carbonneau perd l'ancien capitaine de ses belles années avec les Saguenéens de Chicoutimi à la fin des années 70. Les propriétaires des Saguenéens, un groupe tissé serré par son amitié et sa passion du hockey, perdent le doux mousquetaire du groupe. Celui qui était le gouverneur des Bleuets à la Ligue junior majeur du Québec. La LHJMQ perd son vice-président du conseil. Et une femme et trois filles perdent un homme qu'elles aimaient profondément.

Et moi, je perds un ami.

Gervais Munger s'est aventuré avec trois amis sur un Zodiac, samedi midi sur les eaux du lac Saint-Jean. Le moteur se serait emballé et les quatre hommes ont été éjectés du bateau. Ils étaient environ à un kilomètre de la rive. Gervais ne l'a jamais atteinte. Ses amis l'ont vu couler sans pouvoir lui prêter main-forte. Personne ne portait une veste de flottaison.

C'est la consternation dans la région. Il a fallu fouiller les eaux noircies du lac pendant deux jours avant de retrouver le corps de la victime. Joan Simard, sa conjointe, a traversé l'enfer avant même d'entreprendre son deuil. Heureusement, elle est entourée de gens qui l'aiment et qui vont en prendre soin.

Les Saguenéens de Chicoutimi forment une des équipes à succès de la LHJMQ. Le groupe de propriétaires est très varié. Gaby Asselin est le parrain, Michel Boivin est l'artiste, Guy Carbonneau est le président et Pierre Cardinal est le brasseux. Celui qui aimait le plus «la game» et qui l'avait jouée avec Carbo était celui qui entretenait les liens d'amitié avec le reste de la ligue et de la communauté régionale. C'était Gervais Munger.

L'hiver dernier, il avait déniché des tickets pour des matchs d'Équipe Canada aux Jeux de Vancouver. Il n'en a pas profité, il les a donnés à ses deux filles.

C'est chez eux qu'on avait le souper du jour de l'An, à Lake Worth, en Floride, où les Munger-Simard avaient acheté une splendide maison, sur le golf de Winston Trails. Gervais en était tellement fier. Et c'est lui qui préparait la grosse tourtière du Lac. Avec le savant mélange de boeuf, de volaille et de porc que seul un vrai Bleuet peut connaître.

Et vers une heure et demie du matin, sur le bord de la piscine, quand Gervais entonnait pour la quatrième fois Avant de me dire adieu, son grand succès (repris par les Classels), on voyait arriver la police. Ils ne connaissaient pas Gilles Girard et ils trouvaient que la voix de ténor de Gervais portait loin dans la nuit. Avec son sourire irrésistible, Gervais leur expliquait avec trois mots d'anglais et deux signes de la main qu'ils pouvaient repartir tranquilles.

L'année suivante, ils revenaient. Cette fois, Gervais chantait Ton amour a changé ma vie. Cette année, ç'aurait probablement été Le sentier de neige.

Chose certaine, vers minuit, on va être plusieurs à avoir la gorge serrée et les yeux humides.

Et pour être certain que Gervais Munger aura rendu un dernier service avant de partir trop vite et trop tôt, j'aimerais juste rappeler à ceux qui tripent sur leurs bateaux d'enfiler une veste de flottaison. Vous pourriez sauver bien des pleurs à ceux que vous aimez.